14 avril 2018

Notes d’un promeneur au bord des abysses


Ainsi donc, l’attaque a bien eu lieu et, il faut aussitôt le noter, bien plus vite qu’on ne le prévoyait selon le climat qu’on percevait, après un début de séquence (week-end dernier) où l’ont attendait d’abord une attaque immédiate et massive avant de voir les chicayas s’installer. Marco Marjanovic, de Russia Insider, y voit le triomphe de la thèse des “modérés”, et notamment de celui qu’il désigne un peu audacieusement, c’est-à-dire ironiquement comme on doit l’entendre, comme le “président Mattis”, le secrétaire à la défense qui a constamment plaidé pour une frappe très limitée contre la Syrie, évitant soigneusement toute possibilité de blesser un soldat russe, voire d’empiéter sur les territoires syriens que les Russes contrôlent et couvrent de leur propre défense aérienne.

« 120 missiles de croisière ont été tirés sur trois sites et c'est tout... En d'autres termes, la campagne de frappes puissantes et soutenues que Trump voulait initialement n’a pas eu lieu. Le jugement du président Mattis a prévalu et l’avertissement des Russes qu’ils riposteraient s’ils étaient mis en danger a été entendu. »

Pour suivre cette introduction lapidaire, on observera que l’on sait fort peu de choses aujourd’hui, quelques heures après l’attaque, sur les intentions existant pour la suite, s’il y en a, d’une part ; que l’attaque a permis une fois de plus de montrer que la défense anti-aérienne syrienne (et syrienne-seulement, sans l’aide des Russes) semble avoir montré une certaine efficacité dont il reste encore à mesurer l’ampleur.

(Selon le ministère de la défense russe, cette efficacité a été réelle et a permis d’intercepter “la majorité” des missiles de croisières tirés. Puis des précisions beaucoup plus détaillées de ce même ministère, et fort impressionnantes, et laissant envisager que les Russes auraient livré des S-300 à la Syrie : 71 des 103 cruise missiles (et non 120) tirés ont été interceptés. Ces affirmations peuvent évidemment être discutée et elles le seront sans nul doute ; il n’empêche qu’elles illustrent une très grave préoccupation qui doit exister du côté du bloc-BAO sur la question de la défense aérienne, et bien plus encore si les Russes devaient un jour être impliqués.)

Le climat et les conditions, essentiellement à Washington, ayant présidé à ces tirs de la nuit de vendredi sont bien mieux illustrés par quelques remarques de WSWS.org de ce 14 avril. En effet, on y retrouve aussi bien les facteurs de désordre, de confusion à l’intérieur de l’administration et autour d’elle, que ceux de l’intime proximité des deux grandes crises washingtoniennes actuelles résumées dans une colossale “crise du pouvoir” à “D.C.-la-folle”. A côté de la crise syrienne, il y a la crise de la présidence au travers des attaques lancées contre Trump, qui connaissent un regain d’une très grande puissance depuis lundi et la perquisition du FBI chez l’avocat du président.

« Le caractère frauduleux de l’agression [de l’attaque contre la Syrie de la nuit de vendredi] a été souligné peu après la diffusion de la déclaration de Trump, lors de la conférence de presse qui a suivi par son secrétaire à la Défense, le général Jim Mattis. Mattis n’a pas pu fournir de détails cohérents quant aux accusations américaines. En outre, contredisant le vœu du président de mener une campagne prolongée contre la Syrie, le général semble indiquer qu'il n'y aurait plus d’action en dehors des frappes de missiles qui ont déjà eu lieu.

» Soulignant la désunion, le désarroi et la crise de toute l'administration, le discours national de Trump a été prononcé quelques heures seulement après que les médias américains aient couvert les allégations de James Comey, ancien directeur du FBI, selon lesquelles le président serait un menteur en série et un pervers sexuel, à la manière d’un “capo” de la mafia. »

La lourde charge de la preuve

Ce désordre intérieur si significatif de la situation nous a déjà valu des épisodes assez comiques, lorsque les mensonges s’échangent contre des vérités de circonstance, lorsque les alliés indéfectibles se contredisent sur des choses aussi précises que la preuve de la culpabilité d’Assad dans l’attaque chimique dont l’on sait déjà, avant toute preuve, qu’elle est le fait d’Assad même s’il reste encore à “prouver” qu’elle (l’attaque chimique) a bien eu lieu... Pourtant “non, pas vraiment, rien n’est sûr”, dit Mattis devant le Congrès. Mais si, mais si, “nous avons la preuve” dit Macron au doux et champêtre Jean-Pierre Pernaut. Cela se passait parfaitement en même temps, jeudi, à un continent d’intervalle. Les citations constitueront les preuves de la belle entente et coordination des alliés, et l’unanimité de perception de ce qu’est exactement une “preuve”.

• Le général Mattis, déposant devant une commission sénatoriale, jeudi dans la matinée (heure de Washington) :

« Le secrétaire à la Défense, James Mattis, a déclaré aux législateurs américains jeudi que le Pentagone n'avait aucune preuve que le chlore ou le sarin avait été utilisé dans la ville syrienne de Douma. Mattis a poursuivi en disant que la majorité des revendications provenaient des médias et des médias sociaux – en d'autres termes, les tensions croissantes entre les superpuissances nucléaires au sujet d'une attaque chimique présumée en Syrie, se rapprochant de la troisième guerre mondiale, ont été basé sur ZERO preuves, sinon les rapports des réseaux sociaux [si souvent qualifiés de porteurs de FakeNews]...

» “Il y a eu un certain nombre de ces attaques. Dans de nombreux cas, vous savez que nous n’avons pas de troupes, nous ne sommes pas engagés sur le terrain, donc je ne peux pas vous dire que nous avons des preuves, même si nous avons beaucoup d'indications des médias et des réseaux sociaux selon lesquelles le chlore ou le sarin a été utilisé”, a déclaré M. Mattis, s'adressant aux membres du Comité des forces armées de la Chambre jeudi. Le secrétaire à la défense a déclaré qu'il croyait qu'une attaque chimique avait eu lieu, mais que les États-Unis “cherchaient toujours la preuve réelle”. “Nous évaluons toujours le renseignement, nous-mêmes et nos alliés. Nous travaillons toujours là-dessus ”. »

• Macron, à peu près en même temps si l’on ajuste bien le décalage horaire... « Le président français Emmanuel Macron est l'invité du journal de 13h de TF1 ce jeudi. C'est depuis le village de Berd'huis, une petite commune de l’Orne de 1.100 habitants, qu'il a répondu aux questions de Jean-Pierre Pernaut. Premier sujet abordé : la situation en Syrie où le régime de Bachar el-Assad est accusé d'avoir une nouvelle fois utilisé des armes chimiques contre les civils. “Nous sommes présents en Syrie pour lutter contre le terrorisme, contre Daech, affirme Emmanuel Macron. C’est depuis la Syrie que les attentats ont été organisés. Les différentes guerres qui sont en train de se jouer ne peuvent pas tout permettre. Nous avons la preuve que, la semaine dernière, des armes chimiques ont été utilisées par le régime de Bachar Al-Assad. Nous aurons des décisions à prendre en temps voulu.” »

Si nous donnons cet exemple somme toute assez ironique et très révélateur, notamment du sérieux de la définition de ce qu’est une preuve dans une telle équipée, et l’importance réelle qu’on peut lui accorder, c’est pour donner une indication, – elle sera évidemment sans surprise, – sur le sérieux des relations de coordination de la communication dans cette grande démonstration de solidarité. Au reste, cette question du “sérieux” qui peut être résumée par le mot “désordre” vaut aussi bien entre les ministères, à “D. C.-la-folle”, puisque, à côté du puissant Pentagone qui dit qu’il n’y a pas de “preuve”, il y a le département d’État, par ailleurs privé de tête pour l’instant, qui fait dire par sa charmante porte-parole que, si si, il y a “des preuves”, mais qu’elles sont, – surprise, surprise, – bien entendu classées “Secret-Confidentiel” et n’ont donc pas à être révélées.

Observons enfin que pour ce qui est de ce fameux domaine des “preuves”, de leur existence, éventuellement de leur fabrication, de leur utilisation, il n’est pas nécessaire d’épiloguer longuement à cet égard. La chose est à l’image de l’époque : simulacre, désordre, aveuglement, absence complète de la cohésion des décisions à prendre et des actions à entreprendre. Le Rien saupoudrée du discours lancinants d’alignement conformiste des porte-paroles aussi bien que des présidents en exercice de tel ou tel pays prétendant à l’affirmation d’une indépendance et d’une souveraineté sans faille... La France ferait mieux de s’occuper de ses grèves, où elle excelle, et de la vente de ses Rafale aux Émirats, puisque l’avion excelle sur ce théâtre d’opération.

La solidarité des militaires

Cette passe d’armes inconsciente d’un continent-l’autre, ainsi que le comportement constant du ministre-président ou du ministre-général Mattis nous rappelle bien entendu la défiance fondamentale des chefs militaires US pour toute circonstance où l’on risquerait un accrochage sérieux avec la Russie, parce qu’ils connaissent le fonctionnement des choses et les capacités russes ; c’est-à-dire qu’ils savent bien le risque suprême ainsi encouru (nucléaire), aussi bien que les risques intermédiaires des campagnes militaires sérieuses (notamment face à la défense anti-aérienne russe). On doit donc bien savoir qu’aujourd’hui, dans le temps d’une rupture complète des canaux de communication entre la Russie et les USA, les généraux des deux côtés restent en contact à tous les niveaux, principalement pour notre compte les généraux Guerassimov et Dunford, les deux chefs d’état-major général de leurs forces armées respectives.

(On peut même dire que les militaires russes et US ne se sont jamais autant parlé que depuis que les Russes sont en Syrie, notamment pour les besoins de coordination et de “déconflictuation”. Marko Majanovic observe, dans Russia Insider, que cette retombée positive du conflit syrien permet aux deux interlocuteurs militaires de jouer un rôle très actif dans l’exploration d’une “déconflictuation” de l’actuelle phase crisique.)

L’on placera bien entendu parmi “les chefs militaires”, côté USA, le général Mattis, secrétaire à la défense mais encore plus général du Corps des Marines (comme Dunford) tiré de sa retraite pour diriger le Pentagone. (Il faut noter que des sources indiquent que Mattis est soutenu dans sa position modérée par la nouvelle directrice de la CIA, Gina Haspel.) Mattis joue un rôle majeur dans cette crise, bien entendu, et il semble bien qu’il le joue en référence, et en opposition à celui que joue John Bolton qui vient de prendre ses fonctions de Conseiller de Sécurité Nationale (NSA) du président, et directeur du Conseil National de Sécurité (NSC). Avant-hier, sur son compte tweeter, une analyste de l’Atlantic Council, Kate Brannen, nous informait d’une situation de blocage temporaire à la tête de l’administration Trump, concernant l’action contre la Syrie…

« [Je tiens] de deux sources informées des discussions internes : aucune décision n’est sortie de la réunion d’aujourd’hui [12 avril] sur la Syrie, à la Maison-Blanche [et une nouvelle réunion est prévue ce vendredi]... Il existe toujours des tensions entre ce que le président Trump et son conseiller John Bolton veulent et ce pour quoi plaide le Pentagone... »

Citant également Brannen, ZeroHedge.com commentait, avant-hier également : « Le NSA John Bolton et le secrétaire à la défense Mattis se seraient affrontés sur la stratégie à suivre en Syrie... [...] Mattis and le président du Comité des chefs d’état-major Dunford seraient “très préoccupés par la gestion de l’escalade et la prévention des effets en retour [de l’attaque] sur les forces US dans la région”, tandis que John Bolton est bien connu pour montrer la plus grande excitation pour la bonne vieille stratégie du “regime change”... »

Il se confirme ainsi, dans des conditions toutes différentes, l’existence d’une inimitié profonde entre d’une part les chefs militaires, pourtant réputés faucons bellicistes, et les civils ultra-bellicistes, soit néo-conservateurs, soit ultra-nationalistes comme Bolton. On avait pu s’en apercevoir en 2007-2009, lors du paroxysme de la crise iranienne, cette fois avec les amiraux Muellen et Fallon qui bloquèrent toute tentative d’attaque de l’Iran...

(Ainsi Fallon parlait-il des neocons et autres créatures de la bande à Cheney : « Interrogé sur le fait de savoir comment il pouvait être sûr [qu’il n’y aurait pas d’attaque de l’Iran durant son commandement Centcom], Fallon réplique, selon la source : “Vous savez les choix que je fais, et je suis un professionnel”. Fallon a précisé qu’il n’était pas le seul, toujours selon la source, “Il y a beaucoup d’entre nous qui travaillent à faire rentrer les fous dans leurs cages”. »)

Hypothèses sur l’effondrement de l’“Empire”

Nous avons quelques phrases, citations, jugements, de gens célèbres ou d’autres qui le sont moins, que nous n’hésitons pas à utiliser et réutiliser tant elles nous semblent caractériser justement des situations extrêmement essentielles de notre “étrange époque”. Ainsi n’avons jamais caché notre attirance pour ce jugement d’un néo-sécessionniste du Vermont, sur une des circonstances qui pourraient précipiter la fin de “l’Empire”...

(C’est-à-dire, “la fin des USA en tant qu’‘Empire’”, ce terme pris dans un sens symbolique ; c’est-à-dire “la fin du Système”, tant pour nous “Empire”, “USA”, tout comme “bloc-BAO”, tout comme “postmodernité”, etc., sont les différents noms comme autant de faux-nez opérationnels représentant ce que nous nommons en termes métahistoriques “le Système” ; lui-même enfin, le Système, représentant la machinerie opérationnelle de la dynamique métahistorique à finalité d’entropisation mise en route dans sa phase finale par le “déchaînement de la Matière”.)

Donc, ce néo-sécessionniste du Vermont, Thomas Naylor, interrogé par Chris Hedges en avril 2010, évoquait la possibilité d’une sécession du Vermont mais plaçait cette possibilité dans le cadre d’un effondrement de ce qu’il nommait “l’empire”, c’est-à-dire Washington D.C. devenu entretemps “D.C.-la-folle” : «“Il y a trois ou quatre scénarios d’effondrement de l’empire,” dit Naylor. “Une possibilité est une guerre avec l’Iran... »

Naylor évoquait l’Iran parce qu’à cette époque, la crise avec l’Iran, très active depuis 2006 au niveau de la communication, représentait la principale possibilité de guerre majeure outremer pour les USA. Aujourd’hui, c’est la Syrie & le reste qui jouent ce rôle. Peu importe la différence de format, la différence de circonstances, etc., car ce que Naylor évoquait c’est une possibilité de guerre presque engagée, ou une guerre engagée, dans des conditions de discorde et de crise intérieure de la direction US telles que ce sont les répercussions de cet engagement à Washington qui conduirait au terme de la crise majeure de l’effondrement “de l’Empire”, c’est-à-dire du centre fédéral essentiellement, – et c’est pour cette raison, l’effondrement conduisant à l’éclatement, que Naylor évoquait simultanément la possibilité d’une sécession dans le cadre de l’éclatement.

La référence d’août-septembre 2013

Washington est déjà passé à côté d’une circonstance de cette sorte, en août-septembre 2013, dont bien peu de commentateurs se rappellent, fidèle à leur “devoir de mémoire” conforme aux consignes, qu’il s’est agi d’une très grave crise interne du Système à Washington D.C., et nullement d’une simple décision du président Obama de ne pas y aller (en Syrie)... PhG le rappelait encore le 24 février 2018, avec les références qui importent :

« Il y a un précédent, celui de l’attaque contre la Syrie d’août-septembre 2013. Tant de monde en ont oublié les véritables circonstances, se contentant d’affirmer qu’Obama avait lancé la menace d’une attaque, avait hésité puis avait reculé. La réalité de cette séquence est que l’attaque décidée après et malgré un vote défavorable de la Chambre des Communes de Londres sur la participation britannique, Obama confia la décision au Congrès : soudain, l’on constata l’effritement accéléré du soutien populaire à l'attaque jusqu’alors acquis, ce que les parlementaires, sollicités par les flots épistolaires de leurs électeurs, traduisirent en intentions de vote de plus en plus défavorables jusqu’à une déroute institutionnelle catastrophique d’où Obama fut sauvé in extremis par l’intervention de... Poutine. (Voir les textes sur ce site, à propos de cette séquence : le 27 août 2013, le 29 août 2013, le 02 septembre 2013, le 06 septembre 2013, le 10 septembre 2013, le 12 septembre 2013.)

» Ce phénomène n’a jamais été vraiment analysé, il a même été prestement déformé puis enterré comme “la mémoire” fait aujourd’hui avec les faits historiques, puis oublié par la direction politique et la communication-Système comme beaucoup trop déstabilisant pour la politiqueSystème pour qu’on puisse seulement en avoir un écho lointain. Les militaires, eux et en leur for intérieur, n’ont jamais vraiment oublié et ils savent que cette brutale et inattendue situation d’incertitude menaçant la stabilité du Système peut se reproduire en cas d’intention ouverte et affichée d’aller vers des hostilités avec la Russie. »

Allemagne et Italie aux abonnés absents

On signalera enfin, parmi les prises de position intéressantes, celles de l’Allemagne et de l’Italie déclarant hier ne pas vouloir participer directement à l’attaque alors éventuelle et finalement réalisée, se contentant d’un appui logistique si nécessaire. Ces décisions n’ont guère de valeur opérationnelle mais elles ont une valeur symbolique, et politique finalement montrant que les emportements du début pour une riposte contre la Syrie ont laissé place, dans ce cas également, à l’apparition de nuances notables.

Si les Italiens ne s’en sont guère expliqués, par contre Merkel s’est montrée diserte. Elle a bien entendu affirmé sa solidarité, notamment en offrant son aide logistique, mais a écarté une possibilité de participation à une opération. Le commentaire de Tyler Durden se rapporte simplement à la situation géopolitique des pays européens vis-à-vis de la Russie rappelant un autre aspect de la complexité de la situation :

« Il y a au moins deux pays européens qui se souviennent que lorsqu'il fait froid en hiver, il y a un pays qui leur fournit le gaz naturel dont ils ont besoin pour se chauffer. L'un d'entre eux est l'Allemagne qui, réalisant que toute attaque contre la Syrie compromettrait davantage sa relation avec le Kremlin, a déclaré qu'il ne se joindra à aucune attaque militaire contre la Syrie en réponse à la prétendue attaque au gaz chimique contre une enclave d'opposition que la Russie estime être un faux drapeau réalisé par les “Casques blancs”. De façon diplomatique, Merkel a ajouté qu’elle soutiendrait les efforts des Occidentaux pour montrer que l’utilisation des armes chimiques est inacceptable. »

La course à l’autodestruction

Sommes-nous dans une situation qui serait de plus en plus reconnue comme telle, où le Système a créé de plus en plus fortement la nécessité absolument ontologique pour lui d’une attaque en une ou plusieurs phases et d’une victoire retentissantes “en Syrie et au-delà” (contre les Russes notamment), alors que cette attaque implique des risques si considérables qu’on pourrait envisager un conflit nucléaire au plus haut niveau ? La réponse tend à être très nettement positive...

Et sommes-nous ensuite dans cette situation où, ayant créé ainsi le développement de cette nécessité d’une telle attaque, le Système suscite indirectement des querelles et des affrontements en son sein d’une ampleur sans précédent justement à cause des risques (jusqu’au nucléaire), alors qu’une crise majeure et endémique qui secoue la direction politique et principalement le président Trump parvient elle-même à un nouveau paroxysme ? La réponse est évidemment positive...

Et sommes-nous enfin dans cette situation où la survie du Système dans toute sa puissance et sa capacité hégémonique dépendrait d’une telle attaque/victoire retentissantes “en Syrie et au-delà (contre les Russes notamment)”, alors que ceux qui se trouvent à la direction de ces centres de pouvoir se déchireraient plus que jamais à propos de cette attaque, entre ceux qui sont contre une telle attaque du fait du simple bon sens de l’horreur du risque d’une montée à l’échelon suprême de la guerre nucléaire, et ceux des fous que l’amiral Fallon et quelques autres avaient fait rentrer dans leurs cages et qui en sont ressortis subrepticement ? Alors “que ceux qui se trouvent à la direction de ces centres de pouvoir se déchireraient plus que jamais à propos de” la légitimité du président trump, de son caractère insupportable, de ses sautes d'humeur incontrôlables ?

.... C’est ce que PhG entend lorsqu’il termine le “Tourbillon crisique-47” de son Journal-dde.crisis sur cette remarque : « Comme tout le monde je pense, j’ignore si l’attaque aura lieu, et j’ignore ce qui se passera si l’attaque a lieu. Mais je crois bien sentir, et presque savoir à partir de cette intuition, que si l’attaque n’a pas lieu ou aboutit à un simulacre très-très-voyant, – un simulacre-bouffe, ou simulacre d’une attaque-bouffesi vous voulez, – alors nous devons nous préparer à contempler la dernière phase de l’effondrement du Système, transmutation achevée de la surpuissance en autodestruction. Le Système, – pas la Russie ni la Syrie, – le Système joue son va-tout. »

Le texte de PhG et sa conclusion résultent, à partir de son expérience, de ce que lui-même juge être, ou plutôt espère être une intuition, c’est-à-dire une ouverture sur une vérité-de-situation. (Il y a d’ailleurs beaucoup de “si” dans son texte, et de taille ...) L’argument sur l’effilochage et la dissolution de la résolution du bloc-BAO est tout à fait acceptable au regard de ce que semble être l’attaque de la nuit de vendredi. Mais il ne s’agit que d’un argument pour une cause qui sera jugée sans appel et sans tenir compte des arguments humains par d’autres autorités que les commentateurs-Système, les directions et les élites-Système, bref toute la valetaille-sapiens qui s’imagine contrôler les évènements du monde, – ce qui justifie amplement l’idée que “le Système joue son va-tout” en cette circonstance et dans toutes celles qui vont suivre dans l’enchaînement en cours.

En effet, il nous semble bien entendu écrasant d’évidence que, de toutes les façons, cette attaque est loin, bien loin de clore la crise, y compris entre les différences tendances qui s’affrontent à Washington/“D.C.-la-folle” ; nous serions même tentés de dire : “bien au contraire”, en ajoutant qu’il faut y voir la marque du destin du Système arrivé à son heure de vérité. Cette idée doit être présente dans tous les esprits qui sont intéressés par une vision globale des évènements, et par un jugement de fond sur la politique du bloc-BAO, ce que nous nommons la politiqueSystème.

Cette idée est présente dans l’avant-dernier paragraphe de conclusion du texte de WSWS.org cité plus haut, où nous soulignons par l’emploi du caractère gras le passage qui nous paraît le plus important ; pour la première fois d’une façon aussi nette à notre connaissance, un site connu comme très sérieux, et si incliné à interpréter ce que nous nommons la politiqueSystème comme une dynamique de surpuissance inarrêtable sinon par l’habituel rassemblement des forces populaires enfin réunies sous la bannière du trotskisme triomphant reconnaît implicitement que cette politiqueSystème contient en elle-même les germes quasiment parvenus à l’éclosion (le printemps arrive) de son autodestruction...

« Il ne fait aucun doute que ce nouveau conflit ne s’arrêtera pas avec l'attaque contre la Syrie, tout comme l’expansion de la guerre ne s'est pas arrêtée avec l'invasion de l'Irak. La scène est en train d'être confrontée à une confrontation avec l'Iran, la Russie et, finalement, la Chine. De plus en plus, la politique impérialiste acquiert un caractère complètement imprudent et déséquilibré. »

Ainsi peut-on avancer que nous sommes entrés largement d'une bonne poignée de minutes dans l'heure de vérité.

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