01 janvier 2018

Variations footo-démocratiques de la Saint-Sylvestre


Cela devait arriver un jour ou l’autre, eh bien nous y voilà : un footballeur chef d’état ! Que cela vous la coupe ou pas peu importe. De toute façon le fait est là, incontestable, irrémédiable, irrépétible, tout ce que vous voudrez et même si l’État en question apparaît comme l’un des plus désolants qui existent en ce bas monde, il n’en a pas moins réussi avant tous les autres à consacrer, au plus haut niveau de ses Institutions, la prééminence de la balle au pied dans la hiérarchie contemporaine des valeurs.
A l’extrême pointe du progrès sociétal, voici donc, contre toute attente, le Libéria, bled pourri s’il en fut, né des conceptions quelque peu utopiques d’une American Colonization Society dont l’idée fondatrice consistait, dans les années 1820, à raccompagner en Afrique le plus grand nombre possible d’esclaves libérés. Les membres de ladite Society, gens somme toute assez clairvoyants, imaginaient que la présence, parmi les Amerloques blancos, de tous ces Africains mal dégrossis, risquait un jour ou l’autre de poser des problèmes sérieux voire insolubles. En quoi l’on constate à quel point ces braves sociétaires des temps anciens avaient le nez creux et le diagnostic lucide. C’est cependant sur le remède qu’ils se foutaient éperdument le doigt dans l’œil jusqu’à s’en perforer le fond du haut de chausse. De 1821 à 1867 ils réussirent seulement à rapatrier, ou plus exactement à recontinentaliser, treize mille pauv’ nèg’s, dont une bonne part chopèrent toutes les maladies qui trainaient à l’embouchure du fleuve Saint Paul, lieu choisi pour leur réinstallation africaine. La malaria notamment en bousilla des milliers alors que les négriers Espagnols et Portugais, lesquels pratiquaient toujours leur abominable commerce, s’acharnaient à venir rafler les survivants plus ou moins sans défense, afin de les reconduire, enchaînés, à leur point de départ transatlantique. Il faut dire aussi, soyons justes, que les bonnes âmes de l’époque, abolitionnistes, anti-esclavagistes et bien-pensants de tout poil, n’ont pas manqué de tomber sur le râble de l’American Colonization et de lui savonner la planche par tous les moyens imaginables.
Cependant, en dépit du caractère foireux et bien mal embarqué de cette affaire, le Libéria ainsi créé se déclara indépendant dès 1847, devenant ainsi le premier état africain officiellement reconnu par la communauté internationale. Et les pères fondateurs, gentiment guidés par leurs potes de la Society, se dotèrent illico d’un drapeau national qui n’est ni plus ni moins que celui des États Unis mais avec une seule -grosse- étoile. Comme quoi tous ces braves hurluberlus, s’ils partaient un peu en sucette dans la réalisation de leur projet farfelu, ne manquaient pas d’un certain sens de l’humour… que je pressens tout de même assez involontaire. Le plus curieux, reste que les ex-esclaves, dès le début, se sont constitués en élite, les malheureux autochtones des rives du Saint Paul se voyant bombardés citoyens libériens mais sans droit de vote et, du coup, contraints à travailler de force pour leurs nouveaux patrons revenus d’ailleurs. Et la situation ainsi créée perdura tout de même jusqu’en 1945… Un concentré d’humanité, en quelque sorte.
En attendant, ce drôle de pays poursuit son bonhomme de chemin, avec des hauts et des bas -surtout des bas- et se pose parfois en précurseur de génie comme en 2005 lorsque Ellen Johnson Sirleaf devint présidente de la République et première femme élue démocratiquement chef d’un état africain… Et comme en Décembre 2017 avec George Weah, premier footballeur président ! Décidément ces braves Libériens montrent la voie!
Alors attention, ce n’est pas n’importe qui George Weah, je me dois ici de rappeler qu’il fut le seul et unique black titulaire du Ballon d’Or. A une certaine époque, déjà lointaine, de mes petits déconnages bloguesques, je me surpris à m’émouvoir du caractère discriminatoire affectant la distribution desdits Ballons, toujours et systématiquement attribués à des faces de craie (voir ici). C’était oublier le sacre, un paquet d’années avant, soit en 1995, de notre cher futur nouveau président Weah, dont les exceptionnels mérites se virent depuis reconnus avec encore bien plus de lustre et de brillance! Un homme hors du commun, donc, ce George, dont la fabuleuse carrière débuta sur la pelouse monégasque du Louis II en 1988, pour se poursuivre au sein d’un PSG qui n’était point encore Qatari à l’époque, avant de connaître une consécration jubilatoire dans les rangs de l’AC Milan Berlusconique au milieu des années 90. Puis, après un bref passage auprès de l’Olympique de Marseille, notre héros choisit d’aller ramasser un max de pognon dans les Émirats Arabes Unis, car il nourrissait alors d’autres ambitions, celles qui l’ont conduit, après bien des arrosages électoraux, à la Magistrature Suprême qu’il exerce désormais dans sa bonne ville natale de Monrovia, capitale illustre de son Liberia tant aimé.

Alors, quand je parle de précurseur à propos du grand sportif en question, il ne s’agit en aucune façon de paroles en l’air, de petites footaises plaisantines de Saint Sylvestre. Pas du tout, bien au contraire, je vois dans cette affaire Weah une nouvelle norme démocratique dont l’avenir me semble prometteur voire grandiose .
Voyez vous, en effet, il existe entre le football et la démocratie des connexions insoupçonnées qui ne sauraient manquer d’apparaître prochainement au grand jour. Ces connexions s’imposeront bientôt en théorèmes indiscutables dans les plus prestigieuses écoles de sciences politiques du monde entier, à commencer, sans doute, par celle de Paris, laquelle sort tous les ans une fournée (oups, pas fait gaffe!) de petits gauchiards prétentieux appelés à des carrières… de moins en moins assurées vu la concurrence farouche que devraient leur opposer, un jour ou l’autre, les centres de formation footballistiques -comme on dit puis.
Comprenez vous, le foot et la démocratie visent la même clientèle et se nourrissent de processus commerciaux quasi-identiques: productions à grand spectacle, couverture médiatique illimitée, culte de la personnalité et argent-roi. Quant au footballeur, je parle évidemment de l’artiste de grand renom, celui qui collectionne les Ferrari et les gonzesses comme on n’en voit jamais dans la vraie vie, il possède tout ce qu’il faut pour réussir en démocratie: des montagnes de pognon, l’extrême célébrité, et l’admiration effrénée des sots. Avec un tel bagage et pour peu qu’il veuille s’en donner la peine, le type verrait un boulevard de suffrages s’ouvrir devant lui, avec la certitude de disposer, face à ses concurrents du monde politicard, d’une aura incommensurable. Ainsi un brave garçon comme l’entraineur ex-grande vedette du coup-franc et du coup de tête, j’ai nommé Zizidâne, une des personnalités les plus préférées des franchouilles, posséderait plus de chance que n’importe qui dans une élection présidentielle, vous pouvez me croire sur parole…il suffirait simplement que l’intéressé apportât la preuve qu’il se comporte en bon musulman, ce dont pour l’instant nous n’avons pas la certitude.Mais surtout, au sein des nouvelles générations, nous voyons poindre un nommé Killian M’Bappé, garçon merveilleux sous tout rapport et dont le dernier prix sur le marché aux esclaves dorés du ballon rond s’établissait à cent-quatre-vingts millons d’Euros, soit environ la moitié d’un tableau de Léonard de Vinci. Ce jeune homme, outre son appartenance au monde merveilleux de la Sainte Diversité, fait l’admiration des foules car, titulaire d’un baccalauréat de gestion siouplaît, il parvient par surcroît à aligner trois mots de bon français pratiquement sans faute, ce qui lui confère immédiatement le statut rarissime de footeux-intellectuel doté d’un cerveau quasi-einsteinéen. Avec un profil médiatique de ce style et une fortune de plusieurs millions à l’aube de ses dix-neuf ans, ce gamin n’aura un jour, si les petits cochons ne le bouffent pas entretemps, qu’à se baisser pour ramasser les suffrages bourrés de ferveur des citoyens-supporters. Comme quoi, voyez vous, le Libéria et son admirable président, nous montrent bel et bien la voie de l’avenir des peuples. En ce qui concerne le nôtre, je veux dire les Franchouilles, nous sommes sur le bon chemin pour calquer notre développement sur celui de nos amis africains des rives du Saint-Paul dont la just one big star spangled banner claque fièrement au vent putride de ses marécages cloaqueux. Il nous suffira de trouver, derrière un ballon providentiel, le dribbleur de génie qui viendra, un jour radieux, nous sortir de l’ornière où Présipède et ses prédécesseurs nous traînent lamentablement depuis des décennies. Et le plus tôt sera le mieux! Après tout c’est vrai, on ne peut pas savoir tant qu’on n’a pas essayé…comme on disait pour Macrounette!

Quant à ce dernier, ma foi, les media nous préparent bien, depuis une bonne semaine, afin que nul ne rate ses premiers « vœux du Président de la République ». Je ne sais pas trop ce qu’il va nous souhaiter, ce petit, mais en revanche j’ai bien vu le train des augmentations que lui même et ses sbires vont nous balancer à travers la poire au titre de l’année 2018. C’est gratiné! Alors, bon, surveillez bien vos poches, il va sûrement s’y passer plein de trucs!
Ce qui ne m’empêchera pas de vous souhaiter à tous la meilleure année possible…et comme on dit, n’est-ce pas: « du moment qu’on a la santé »…
A l’an prochain, donc.

Et merde pour qui ne me lira pas.

NOURATIN

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