27 décembre 2017

Economie virtuelle : la fin de la liberté

Il y a une règle simple à suivre lorsqu’on comprend l’histoire tragique des économies : ne jamais mettre une foi aveugle dans un système construit sur une fondation créée par l’establishment. On pourrait penser que ce ne serait pas un concept difficile à saisir étant donné que nous avons tant d’exemples d’économies contrôlées et d’effondrements au fil des siècles, mais à notre époque, plus que jamais, l’attrait d’un monde virtuel avec des promesses de richesse et de facilité infinies est écrasant.

Oui, je me réfère principalement à la folie des crypto-monnaies (désolé ceux qui ont acheté des bitcoins, cette description colle trop bien à la réalité, et cela ne va pas s’arrêter), mais pas seulement. Je fais également référence à un problème de grande envergure, dont les crypto-monnaies ne sont qu’une simple conséquence. À savoir, le fait que l’humanité perd rapidement de vue ce qu’est une véritable économie et ce qu’elle est supposée accomplir. C’est à cause de cette réalité que les crypto-monnaies prospèrent.

Tout d’abord, soyons clairs, les devises « fiat » sont l’une des premières machinations de l’économie virtuelle. Une fois que les monnaies papier imprimées à partir de rien par les banquiers centraux ont été coupées de tout support tangible et acceptées par les masses comme « ayant une valeur », valant la peine d’être négociées, la graine du cancer financier a été plantée. Aujourd’hui, il y a une dernière étape nécessaire pour que l’establishment accomplisse sa tyrannie complète au niveau du commerce global. Il s’agit de déconnecter complètement les masses des transactions privées. En d’autres termes, nous devons être amenés à passer au tout numérique, où la notion de vie privée ne sera plus qu’un souvenir absurde.

L’économie virtuelle est attrayante pour plusieurs raisons, la plupart d’entre elles étant mauvaises.

Les Américains et une grande partie des Occidentaux en particulier sont de plus en plus mal à l’aise avec l’idée de production réelle. La dernière génération tombée sous la coupe de cette influence politique et sociale, la génération-Y, en est un parfait exemple. Des sondages montrent que la génération-Y américaine, plus que toute autre génération, manque de compétences de base dans le milieu du travail, y compris dans tout ce qui a trait à l’arithmétique et à la compréhension par la lecture. Souvent présentés comme des « fans de tech » dans la culture populaire et les médias, les génération-Y sont tout à fait ineptes en ce qui concerne les compétences de base qui propulsent les affaires et le commerce, ce qui explique pourquoi les États-Unis tombent sous l’emprise des travailleurs étrangers.

La génération-Y occidentale présente également des compétences techniques d’une faiblesse abyssale dans les tests internationaux et elle est loin derrière ses homologues étrangers. Cela a été une surprise pour de nombreux économistes et analystes sociaux, principalement parce que la génération-Y est aussi considérée comme la génération « la plus éduquée » de tous les temps. Mais, bien sûr, nous avons non seulement reçu en héritage une économie virtuelle au cours de ces dernières décennies, mais aussi un système éducatif virtuel. Une majorité de la génération-Y manque de bases en matière de compétences de production essentielles et de méthodes d’entrepreneuriat parce qu’elle a été formée pour rejeter ces compétences considérées comme négligeables. En d’autres termes, les générations-Y ont été conditionnées à être des idiots académiques.

Pourquoi passer par la lutte et les difficultés, conditions nécessaires pour devenir un producteur efficace de nécessités tangibles, alors qu’il est beaucoup plus facile de se joindre à un mouvement collectiviste pour l’avènement du socialisme et une structure dans laquelle, peu ou pas de travail est nécessaire pour obtenir de telles nécessités ? Pourquoi ne pas voler une minorité productive et disperser le fruit de son travail, suffisamment pour nourrir la majorité sans compétences ? Ce n’est que dans ce type de culture que la production virtuelle, une société virtuelle et « l’argent » virtuel sont considérés comme une solution idéale.

Cette notion est de plus en plus répandue dans nos médias populaires, et je crois que c’est plutôt symbolique (ou ironique) de notre problématique.

Par exemple, considérons le livre « Ready Player One » un engouement pour la culture pop et un Zeitgeist archétypal pour la génération-Y dont le film adapté va bientôt sortir comme une superproduction hollywoodienne dirigée par Steven Spielberg. Le roman dépeint le monde en 2045, un monde où l’épuisement des combustibles fossiles et le « réchauffement climatique » ont déclenché le déclin économique et social (rappelez-vous dans les années 1980 quand ils nous disaient que le réchauffement climatique allait faire fondre les calottes glaciaires polaires et que nous serions sous l’eau d’ici l’an 2000 ?). Un organe de gouvernement totalitaire contrôlé par des géants du monde des corporations règne sur cet étalement dystopique.

En réponse à une existence toujours plus douloureuse dans le monde réel, les masses ont cherché à s’échapper vers un monde virtuel appelé « l’Oasis », créé par un génie de la programmation. L’Oasis devient un nexus pour l’économie mondiale et une société virtuelle.

Cela ressemble à un arrière-plan captivant pour une histoire de rébellion, et c’est le sujet… en quelque sorte. Malheureusement, c’est là que les liens troublants entre notre monde et le monde fictif de « Ready Player One » se rencontrent. La « rébellion » est à toutes fins pratiques également virtuelle, et pour les publics de la génération-Y en particulier, elle est censée être inspirante.

C’est peut-être pourquoi les crypto-monnaies sont si attrayantes, pour la foule de la génération-Y en particulier. Pensez-y – le sombre marasme économique de « Ready Player One » existe MAINTENANT ; nous n’avons pas à attendre 2045. Les générations-Y se sentent déjà en manque d’affection, endettés et privés de leurs droits, et la plupart d’entre eux sont aussi sans compétences. L’autosuffisance pour eux est une idée sans substance si jamais elle leur passe encore par la tête. Alors, comment se battent-ils ? Ou comment sont-ils trompés en pensant qu’ils peuvent se battre contre un système virtuel qui les a laissé dans le caniveau ? Comment ? Mais avec une communauté virtuelle et une monnaie virtuelle bien sûr.

Les générations-Y et d’autres pensent qu’ils vont se rebeller et « abattre les oligarques bancaires » avec rien de plus que des marqueurs numériques représentant des « pièces » suivies sur un registre numérique créé par un ou des programmeurs de génie anonyme. Délirant ? Oui. Mais comme je l’ai dit plus tôt, c’est une notion attrayante.

Voici le problème, cependant : l’argent véritable requiert une valeur intrinsèque. Les crypto-monnaies n’ont pas de valeur intrinsèque. Elles sont créées à partir de rien par des programmeurs, elles sont « minées » dans une mine virtuelle créée à partir de rien [Si si, beaucoup d’électricité, NdT], et elles n’ont pas un aspect unique qui les rend rares ou utiles de manière tangible. Elles sont un produit numérique facilement reproduit. Tout le monde peut créer une crypto-monnaie. Et pour ceux qui soutiennent que « les maths donnent une valeur intrinsèque à la cryptographie », je suis désolé de leur casser leurs illusions, mais les maths sont libres.

En fait, pour ceux qui ne sont pas encore au courant, Bitcoin utilise la fonction de hachage SHA-256, créée par nulle autre que la National Security Agency (NSA) et publiée par l’Institut national de normalisation et de technologie (NIST).

Oui, c’est vrai, Bitcoin n’existerait pas sans la fondation construite par la NSA. Non seulement cela, mais le concept entier pour un système remarquablement similaire à bitcoin a été publié par la NSA en 1996 dans un document intitulé « Comment créer une mine : la cryptographie de la monnaie électronique anonyme ».

Les origines du bitcoin et donc l’origine des crypto-monnaies et du registre de la blockchain suggèrent autre chose qu’une rébellion légitime contre le cadre de l’establishment et des financiers internationaux. Je cite souvent ce même problème lorsque les gens me présentent des arguments selon lesquels Internet a ouvert la voie à l’effondrement du filtre d’information globaliste et des médias traditionnels. La vérité est que l’Internet est également une création de l’establishment développée par la DARPA, et comme Edward Snowden l’a exposé dans ses fuites de données, la NSA a la connaissance totale de l’information et le contrôle de porte dérobée sur chaque aspect des données de Web.

Beaucoup de gens croient que la libre circulation de l’information sur Internet est une arme en faveur du mouvement de la liberté, mais c’est aussi une arme en faveur de l’establishment. Avec une vue d’ensemble des flux de données, des entités comme Google peuvent même prédire les tendances et les instabilités sociales futures, sans parler de tous les détails personnels de la vie et du passé d’un individu.

Pour résumer, les crypto-monnaies sont construites sur un cadre conçu par l’establishment, et elles dépendent entièrement d’un véhicule créé et contrôlé (Internet) pour fonctionner et perpétuer le commerce. Comment exactement appelez-vous encore cette « décentralisation » ?

La sensibilisation TOTALE à l’information est l’objectif ici et la technologie de la blockchain aide les pouvoirs en place à supprimer l’un des derniers obstacles : les transactions personnelles privées. Il y a des années, un argument commun présenté en faveur de bitcoin était qu’il était « complètement anonyme ». Aujourd’hui, cela se révèle de plus en plus un mensonge. Même maintenant, à la suite des admissions ouvertes par les principaux partisans de Bitcoin que le système n’est PAS anonyme, les gens prétendent encore que l’anonymat est possible grâce à diverses mesures. Mais cela n’a pas influencé le FBI ou l’IRS [Service des impôts aux USA, NdT] qui utilisent des ressources telles que Chainanalysis pour tracer les utilisateurs de Bitcoin quand ils ont envie de le faire, y compris les utilisateurs qui ont pris des mesures strictes pour se cacher.

Les partisans de Bitcoin argumenteront que de « nouveaux développements » et même de nouvelles crypto-monnaies vont résoudre ce problème. Pourtant, c’était déjà le mantra quand le phénomène Bitcoin a frappé pour la première fois les médias alternatifs. Ce n’était pas une hypothèse fiable à l’époque, alors pourquoi le serait-ce maintenant ? La seule bonne hypothèse à faire est que rien de numérique n’est anonyme. Point.

Avec la ridicule flambée des prix du bitcoin, les champions de l’économie virtuelle sont peu susceptibles d’écouter un quelconque questionnement ou des critiques. Je n’ai jamais discuté d’une façon ou d’une autre de la « valeur marchande » potentielle de Bitcoin, parce que cela n’a pas vraiment d’importance. J’ai toujours soutenu que les crypto-monnaies comme Bitcoin ne sont en aucun cas une solution pour combattre les banques internationales et centrales. En fait, les crises semblent seulement accélérer leur plan de numérisation totale et l’émergence d’un système monétaire mondial.

Bitcoin pourrait facilement atteindre 100 000 $, mais sa « valeur » est vraiment hors de propos et constamment moussée par un battage médiatique faisant du bitcoin une évidence comme solution au globalisme. Plus le prix du bitcoin est élevé, plus le culte du bitcoin revendique la victoire, mais le manque de valeur intrinsèque ne semble jamais traverser l’esprit de ses partisans. Ils ont des visions semblables à celle de Picsou nageant dans un coffre de millions virtuels. Ils vous accuseront seulement d’être un « vieux moisi » qui « ne comprend pas ce qu’est la blockchain ».

Le fait est que ce sont eux qui ne comprennent pas vraiment ce qu’est la blockchain – un cadre pour une société sans argent liquide dans laquelle l’anonymat commercial est mort et la liberté économique détruite.

Posez-vous la question suivante : pourquoi les banques centrales du monde entier (y compris la BRI et le FMI) investissent-elles dans Bitcoin et dans d’autres crypto-monnaies tout en développant leurs propres systèmes cryptés basés sur un cadre similaire ? Se pourrait-il que CETTE infusion de capitaux et d’infrastructures de la part des grandes banques soit l’explication la plus probable de l’incroyable hausse du marché du bitcoin ? Pourquoi les conglomérats bancaires globalistes louent-ils ces technologies comme la somptueuse technologie blockchain de Goldman Sachs, dans leurs livres blancs ? Et pourquoi les banquiers centraux comme Ben Bernanke s’expriment-ils en faveur des crypto-monnaies lors de grandes conférences sur ce sujet si la cryptographie est une telle menace pour le contrôle par la banque centrale ?

Réponse : parce que ce n’est pas une menace. Ils vont bénéficier d’un système sans cash, et les champions de la liberté leur donnent un coup de main involontaire.

Par-dessus tout, l’économie virtuelle affaiblit la société. Cela encourage un manque de production tangible. Au lieu de vrais producteurs, entrepreneurs et inventeurs, nous avons des gens qui se démènent pour vendre des biens réels afin d’acheter des plates-formes de calcul capables de miner des pièces de monnaie qui n’existent pas vraiment. C’est-à-dire que nous serons peut-être un jour confrontés à des millions de citoyens qui dépenseront le fruit de leur travail et leur énergie pour obtenir des signes numériques programmés pour apparaitre et organisés de manière à engendrer une pénurie artificielle (pour l’instant).

Cela encourage aussi la fausse rébellion. Le vrai changement nécessite des actions dans le monde réel. Il faut supprimer les élites bancaires et leurs structures par la force si nécessaire (et cela sera probablement nécessaire). Au lieu de cela, des activistes de la liberté sont convaincus qu’ils n’auront jamais à lever le petit doigt pour abattre les banquiers. Tout ce qu’ils ont à faire est d’acheter et de miner de la crypto-monnaie. Le jour viendra dans un proche avenir où les gens qui embrassent ces absurdités se réveilleront et se rendront compte qu’ils ont gaspillé leurs énergies à chasser une licorne et qu’ils sont mal préparés pour affronter la réinitialisation économique qui continue à se préparer.

Pour maintenir une économie réelle dans laquelle les gens sont autonomes et à l’abri du choc financier, il faut trois choses : une production localisée et décentralisée de biens tangibles, des réseaux commerciaux indépendants et décentralisés qui ne soient pas structurés autour d’un système contrôlé par l’establishment, et la volonté d’utiliser la force si nécessaire pour protéger et préserver cette production et ces réseaux. Si vous ne pouvez pas fabriquer une chose utile, réparer une chose utile ou enseigner une compétence utile, alors vous êtes fondamentalement inutile dans une économie réelle. Si vous n’avez pas de commerce localisé, vous n’avez rien. Si vous n’avez pas l’état d’esprit et la communauté de personnes indépendantes nécessaires pour protéger votre production locale, vous ne serez pas en mesure de conserver l’économie que vous avez bâtie.

C’est la dure vérité que les partisans des crypto-monnaies ne veulent pas entendre. Ils la rejettent carrément comme « archaïque » ou « impossible à obtenir ». L’économie virtuelle est tellement plus facile, tellement plus attrayante, tellement plus confortable. Pourquoi risquer quoi que ce soit ou tout dans un effort réel pour construire un réseau commercial concret dans votre quartier ou votre ville ? Pourquoi tout risquer en promouvant une véritable décentralisation à travers des systèmes localisés d’argent et de troc soutenus par les matières premières ? Pourquoi tout risquer en défendant ces systèmes alors que l’establishment cherche à les écraser ? Pourquoi faire cela, quand vous pouvez prétendre que vous êtes un héros virtuel brandissant des armes virtuelles dans une rébellion sans risque dans un monde électronique fait de 0 et de 1 ?

En vérité, l’économie virtuelle n’est pas une décentralisation légitime, c’est une arme de distraction massive conçue pour tuer la décentralisation légitime.

Brandon Smith

Source
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone

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