03 octobre 2017

Marseille, Las Vegas, Canada : terrorisme ou stratégie de la terreur globale ?

Après un mois d’août sanglant (Barcelone, Londres, Bruxelles, Russie, Finlande, etc.), la nouvelle vague de « terrorisme » qui marque ce début d’octobre 2017 (Marseille, Las Vegas, Canada) confirme un modus operandi qui interroge : les « terroristes » sont invariablement des individus déjà connus du renseignement, en difficultés sociales ou psychiatriques, laissant des traces accablantes sur les lieux du crime et systématiquement abattus par les forces de l’ordre ;
les cibles et les victimes sont toujours des civils ou des militaires, jamais des dirigeants ou des représentants du Pouvoir ; les médias et les politiques concluent immédiatement à l’« attentat terroriste », devançant les revendications et les résultats des enquêtes ; l’immigration illégale de masse continue d’être encouragée alors que les « coupables » en sont essentiellement issus.

La menace terroriste ne diminue pas, au contraire elle s’amplifie. Et le Pouvoir demande à ses administrés de s’y habituer, tout en axant sa politique de sécurité sur la surveillance de la population et la répression de la liberté d’expression. Moins de budget pour l’ordre physique, plus de moyens pour l’ordre moral.

En période de crise sociale aggravée, cette « solution » est désormais vendue au peuple par des dirigeants « progressistes ».

Cette vague de violences est l’occasion de lire ou relire l’avant-propos de l’ouvrage de Jean-Michel Vernochet " Les Fiancés de la mort et les stratèges de la terreur globale" consacré à l’hypothèse d’une instrumentalisation récurrente et coordonnée des réseaux terroristes, et d’en découvrir la recension en vidéo par Michel Drac. 




Les Fiancés de la mort – Note de lecture de Michel Drac :

Les Fiancés de la mort et les stratèges de la terreur globale


Avant-propos

Le livre de Jean-Michel Vernochet est à la fois sans concession et plein de subtilités. C’est un mélange rare. L’auteur est un journaliste professionnel, et il sait aller fureter loin de chez lui pour ramener des pépites cachées, les faits troublants et censurés. Bien, c’est déjà énorme. Mais cela ne saurait suffire pour faire un livre qui dure. Il faut aussi avouer des béances, des incertitudes, et avancer dans le noir, et cela, Jean-Michel Vernochet a l’honnêteté de le faire. Une attitude qui contraste de façon saisissante avec celle adoptée par les experts officiels du terrorisme.

Par ailleurs l’auteur tient à mettre en parallèle, un siècle plus tard, le terrorisme bolchevik et le terrorisme islamiste. Pourquoi pas ? Effectivement, il y eut au début du XXe siècle la même rage de détruire, l’obsession de trancher la vie des meilleurs, de faire couler le sang, d’être systématique dans la table rase, de ne pas trembler en semant la terreur. Et il y a certainement eu beaucoup d’assassins à l’époque qui voulaient absolument mettre fin à leurs jours en pleine opération massacre, en quelque sorte des esthètes de l’extrémisme. Mais il faudrait aussi mentionner la terreur anarchiste, qui ne prétendait rien construire, et n’a rien construit, de fait, alors que la Russie soviétique a bâti. Elle a abattu le nazisme et a servi de bouclier pour la protection des intérêts de la classe ouvrière dans le monde entier, ce pourquoi elle manque cruellement désormais aux Européens pauvres.

L’auteur mentionne également André Gide, comme l’un des pyromanes idéologiques de l’époque. On pourrait en ajouter bien d’autres. À l’époque certains artistes dévissaient, André Breton l’ami de Trotski disait n’importe quoi, Maïakovski le guerrier avait écrit :


« Comment osez-vous vous prétendre poète et gazouiller gentiment comme un pinson ? Alors qu’aujourd’hui il faut s’armer d’un casse-tête pour fendre le crâne du monde ! »

Après quoi, il se donnait la mort comme on signe un dernier poème, en 1930. Dans le terrorisme qui nous endeuille en France, se produit certainement la convergence des deux univers, celui des poètes révoltés et des jeunes à l’imagination morbide qui découvrent la pureté simple et directe, littéraliste, du Coran. Tous ceux qui ont voix au chapitre insistent sur les incubateurs d’islamisme que représentent les prisons. Pour sa part J-M Vernochet préfère insister sur la responsabilité de l’Éducation nationale, grande pourvoyeuse de sans-diplômes en route vers la case prison. Il y a bien entendu des têtes brûlées qui se veulent les meilleurs dans la « performance », l’œuvre en acte, comme maintenant certains jeunes Français que leurs profs de collège ont fait rêver, en leur faisant découvrir qu’il fallait admirer, révérer, celui, Guillaume Apollinaire, qui avait su écrire Soleil cou coupé [1] et cet autre poème intitulé Que la guerre est jolie.

Verlaine, le héros des ministères français de la Culture et de l’Éducation, tel que le découvrent les jeunes d’aujourd’hui, c’est donc l’histoire d’un homme très catholique, marié, et père de plusieurs enfants, qui saccage sa famille en allant s’acoquiner avec un jeune voyou puis lui tire dessus. Une histoire de Personnages Distingués, ultra sanctifiés parce que ces messieurs étaient poètes ; et les médias n’ont pas hésité à amplifier la chose, comme émouvant point d’orgue d’un roman people moderne : tuer et mourir ensemble pour épater le bourgeois, ne jamais dessaouler (le captagon remplaçant l’alcool chez les gens de Daech), que c’est beau !

Un bon élève distrait mais créatif, à qui on a expliqué, parce que M. Freud l’a dit, aussi que son âme est constituée principalement d’un subconscient qui veut tuer son père pour coucher avec sa mère, a besoin d’autres moyens d’expression, et il est frappé par les incohérences de notre société, les absurdités de ses références. Les plus malheureux, les plus accablés de misère et de contradictions en deviennent Les Possédés, ou abritent les nouveaux démons (les deux traductions possibles pour le titre du roman de Fiodor Dostoïevski se justifiant ici), qui font à présent trembler le temple du pouvoir.

Mais les uns et les autres peuvent cacher d’autres diables, et autrement meurtriers.

J-M Vernochet frappe très fort, par l’étude des contextes et de leurs connexions, d’une région du monde à une autre, d’une génération à la suivante. Mais, tout en accumulant les détails les plus troublants et les plus atroces, dans les faits que revendique le terrorisme islamique, il nous empêche néanmoins de sombrer dans la détestation des musulmans.

D’autres auteurs, ceux-là bien en cour, portent fièrement leurs œillères et refusent d’aller chercher qui peut bien vouloir utiliser sous faux-drapeau la folie de certains criminels. Or, là où certains « spécialistes » en font des tonnes, pour nous empêcher de chercher à qui peut bien profiter le crime, l’auteur ouvre et referme les guillemets et nous montre dans quelle direction il faut aller chercher les marionnettistes. Les services de police ont leurs limiers, mais nous autres profanes n’avons pas les clés précises pour accuser nommément qui que ce soit. Cela cependant ne justifie pas de prêcher la « théologie de la coïncidence ! ».

Dans ce contexte, les djihadistes reprennent le rôle d’épouvantails bien pratiques. J-M Vernochet consacre de cette façon un chapitre à ce que beaucoup nomment, à tort ou à raison, l’islamo-fascisme, une nouvelle arme rhétorique pouvant prendre le relais d’une insulte désormais périmée, celle de « négationniste », puisque dorénavant c’est aux Clinton et autres vaincus du boniment qu’on l’applique en toute justice, pour les gens qui ont cru pouvoir imposer indéfiniment leurs mensonges, en niant la réalité des désastres qu’ils ont eux-mêmes causés.

La guerre des mots est dans ce contexte plus que jamais le prélude indispensable à la guerre physique. L’affrontement, c’est tout l’univers de cet OTAN qui la veut, qui en a besoin, car comme lors la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis peuvent espérer y noyer – vœu au demeurant assez peu réaliste – ou y trouver l’occasion d’annuler une dette colossale et galopante.

Il n’y aura jamais de preuves suffisantes de l’implication de services secrets dans certains attentats. Parfois cependant, sans avoir la faculté d’être plus précis, nul ne peut interdire d’affirmer que celui à qui le crime profite est très probablement celui qui l’a télécommandé ; l’auteur invoque à bon escient un dicton latin en ce sens : cui prodest is fecit [2].

Chaque opération criminelle étudiée par l’auteur relève identiquement d’un projet de sidération du public à très court terme. Mais les ennemis de la vérité n’ont pas, n’ont jamais eu vraiment la maîtrise du temps long.

Et quand le public réclame aux « spécialistes » un peu plus de curiosité sur les gens qui tirent parti des attentats, ils désignent sempiternellement les « islamo-gauchistes », cible facile, des « conspirationnistes » sur mesure, le plus souvent « agents de l’Iran » en plus d’être le cas échéant ceux, de la Russie. Cela est bien commode, parce qu’alors il n’est nul besoin de preuves pour accuser, telle est la pratique du cirque médiatique !

J-M Vernochet en ce qui le concerne ne saurait être, lui, accusé d’appartenir au Barnum de la presse conformiste, avec ses diatribes contre-léninistes, contre-stalinistes et anti-trotskystes. Et pourtant, paradoxalement, son livre valide peu ou prou le schéma marxiste général, celui qui a soutenu l’émergence du monde soviétique : le capitalisme, comme un poulpe supérieurement intelligent mais ne voyant jamais rien au-delà de ses proies, a besoin de maintenir son taux de profit, et de s’étendre ad libitum. Toute guerre, comme toute famine, lui sert à rabattre vers ses filets le menu fretin, ainsi les masses de migrants qui feront baisser les salaires des travailleurs autochtones. L’impérialisme est consubstantiel à la vie et à la dynamique du capitalisme, comme l’ubérisation et le déracinement généralisé. Le choc des civilisations et les droits humains transformés en arme de destruction massive, ce n’est au final que la nouvelle offensive coloniale dans le discours, un nouveau prétexte à exploiter, pour commencer, le Sud toujours déboussolé. Et il n’y a donc rien de surprenant à ce que les victimes de siècles de conquêtes, d’ingérence et pour finir de colonisation, en veuillent à ceux qui les écrasent de leur morgue, et prétendent continuer ad vitam aeternam à les piller. Ceci vaut évidemment pour la Chine populaire puissance en expansion mondiale.

L’auteur est un pessimiste, angoissé par la déchéance de ses élites veules, par le délitement du tissu social, par ces journalistes qui se débinent dès que ça chauffe, alors qu’ils pourraient refroidir bien des délires en publiant ce qu’ils savent sur des faits avérés mais qui ne plairaient pas... Bref, J-M Vernochet en a assez, de nos hommes politiques qui ne parlent vrai que sur leur lit de mort, quand c’est trop tard, après s’être tus tout au long de leur carrière. Et il fonce, avec la conviction tenace que les attentats à répétition sont instrumentés comme une cacophonie qu’on orchestre, qu’on fait résonner en symphonie, pour les intérêts d’une puissance terroriste bien plus ordonnée qu’une petite cervelle de kamikaze. Le terrorisme musulman, dans nos pays à forte immigration du Sud, en est un prélude... un phénomène géopolitique qui par conséquent, pourrait très sérieusement déboucher sur la guerre civile. Sachant que toute guerre entre dans les calculs d’une classe politique aux abois. Or l’État profond transnational existe et il veille, il se tient aux aguets.

Cet État profond se confond avec l’intérêt des fabricants d’armes chimiques et des marchands de canon. Il est capitaliste, c’est-à-dire impitoyable sur la défense de ses propres intérêts purement financiers, et impérialiste, exigeant la soumission de chaque pays à sa logique. Le terrorisme se revendiquant du littéralisme salafiste veut certes, insistons sur ce point, la guerre civile en Europe, et l’État profond pareillement car il est néocolonial dans l’âme, il veut l’affaiblissement de chaque nation, y compris au Nord : là est la convergence souterraine qu’il convient de souligner et de dénoncer.

Parfois, l’auteur semble se laisser aller à un certain découragement : à quoi bon lutter, ré-informer, éclairer, expliquer, pour une jeunesse totalement droguée aux plaisirs et au virtuel hypnotique, quand elle ne bascule pas à l’occasion dans le crime bien réel. Comment est-il possible en effet qu’on retrouve régulièrement un passeport ou une carte d’identité, ou une carte de demandeur d’asile, sur les lieux du crime, comme pour signaler au public, avant que l’enquête ait eu seulement le temps de se déployer, qu’il doit borner là sa curiosité, se repaître du personnage odieux qu’on lui désigne ? Comment le public n’en tire-t-il pas lui-même les conclusions qui s’imposent ? D’après les gens de terrain, ces oublis répétitifs et incompréhensibles pour ou chez un criminel normal, ce genre d’incroyable et fausse bévue dans la mise en scène d’un monstrueux forfait, est en réalité un clin d’œil pour d’autres terroristes et un signal envoyé aux Services signifiant : ne vous mêlez pas de ça, ça relève d’instances plus hautes, nous contrôlons la situation. La répétition du « miracle » du passeport voltigeur retrouvé intact dans la fournaise au pied des Tours jumelles devient à ce titre une bonne farce destinée à consterner chaque police nationale, mais également à augmenter la hargne populaire contre la caste gouvernementale.

Ce qui est sûr, c’est que l’Occident se perçoit enfin, de plus en plus, comme se trouvant maintenant dans une impasse. Raison pour laquelle ce livre nous aide à percevoir l’urgence d’une critique en profondeur de l’hybris néo-impériale, cette orgueilleuse et meurtrière mégalomanie, qui débouche sur une dégénérescence accélérée de nos sociétés, et sur l’apparition de toutes sortes de tumeurs malignes. Nos ennemis prétendent « nous vendre à la fois la maladie et le remède ». De ce point du vue, ce livre s’avère fort utile pour qui veut les identifier, et résister aux démons de la vengeance.

Vladimir Fiodor Fredoux-Léontiev


Notes

[1] « Zone » fut composé dans l’été de 1912 à la suite de la rupture de Guillaume Apollinaire avec Marie Laurencin. Il figure en tête du recueil « Alcools », mais fut en fait le dernier en date des poèmes de ce recueil. Le sang de la décapitation - soleil cou coupé - serait le symbole de la disparition du christianisme dans le monde moderne. Le soleil du monde est tranché. Soleil qui n’est pas le dieu des païens, mais le Christ, soleil spirituel, préfiguré par Jean le Baptiste qui eut lui-même le chef tranchée à la demande de deux femmes fatales : Hérodiade et sa fille Salomé. Thème sacrificiel, lié à la destruction du passé et à la renaissance que l’on trouve aussi dans le mythe d’Orphée dont la tête tranchée continue à chanter. Le poète s’efforce de naître à un monde nouveau en recherchant l’ivresse de l’élévation solaire, en absorbant l’alcool, l’eau de vie : l’eau, symbole de mort et le feu, symbole de vie [selon Robin Guilloux, http://lechatsurmonepaule.over-blog.fr ].

[2] Cui Bono pour les anglo-saxons : « L. Cassius ille quem populus Romanus uerissimum et sapientissimum iudicem putabat identidem in causis quaerere solebat cui bono fuisset »« Le célèbre Cassius, que le peuple romain regardait comme le juge le plus intègre et le plus éclairé, s’attachait dans les causes à reconnaître à qui l’action avait été profitable ». Cicéron, plaidoyer pour Sextus Roscius d’Amérie, septembre 671 après la fondation de Rome.

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