25 septembre 2017

Un islamiste à propos des Français : « ils sont déjà vieux, ce n’est pas un pays de combattants…»

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Xavier Crettiez et Bilel Ainine, respectivement professeur et chercheur en sciences politiques, viennent de publier un ouvrage intitulé « soldats de dieu, paroles de djihadistes incarcérés ». Un ouvrage passionnant, rédigé grâce à des entretiens menés par les deux hommes dans les prisons françaises.

Un ouvrage qui démontre par ailleurs tout le décalage qui peut exister entre ces combattants islamistes, fanatisés par leur religion mais également par leur idéologie, et le peuple français, qui ne semble toujours pas prendre la mesure de la haine et de la détermination à nous détruire ou à nous soumettre que nous portent ces gens.

C’est à l’initiative de la Fondation Jean Jaurès que cette étude a été menée.

Cet ouvrage présente les cadres cognitifs (idéologies, doctrines, visions du monde, valeurs) développés par des acteurs islamistes djihadistes. Ceux qui opèrent en France au nom d’Al-Qaida ou de l’« État » islamique. Alors que beaucoup a été dit sur les trajectoires de ces militants islamistes, sur leurs fêlures ou leurs réseaux, on sait finalement peu de choses des discours qui les animent, des haines qui les habitent et de leur rapport à la France, à la démocratie, à la politique, au monde qui les entoure, mais aussi à la violence qu’ils défendent et justifient, ou à la religion qu’ils disent adorer.

Cet essai a pour objectif de comprendre et expliquer ce qui pousse des hommes à basculer dans une lutte armée contre des ennemis désignés et à cette fin soutenir des actes terroristes. Xavier Crettiez et Bilel Ainine ont pour ce faire mené des entretiens avec treize individus incarcérés pour avoir commis directement des actes terroristes ou entretenu indirectement des liens avec des groupes terroristes.

« Les jeunes ne sont plus des jeunes ici, ils sont déjà vieux, ce n’est pas un pays de combattants…»

Dans le livre, quelques morceaux choisis se passent de tout commentaire :

Abdel : « Une fois, j’étais dans un bus et j’ai dit à un frère qui était avec moi : comment ils vont arrêter les Français lorsque les talibans seront ici ? ! Il a rigolé, il m’a dit, mais tu penses qu’eux ils vont combattre, regarde-les ! Et là j’ai tourné mon regard et je les ai regardés les écouteurs sur la tête machin et tout, tu leur demandes de faire un 100 m ils s’écroulent par terre.

Qu’est-ce qu’ils vont faire ! Les jeunes ne sont plus des jeunes ici, ils sont déjà vieux, ce n’est pas un pays de combattants… […] Prenons les Russes, par exemple. Ils combattaient, ils criaient, ils aiment leur pays et tout. Ça, c’est une armée difficile à combattre parce qu’elle a un but. Mais prenez un Français, il va combattre quoi ? La patrie ? La patrie des jeunes, c’est Apple ! Le drapeau français, ils l’ont foutu dehors. Il n’y a rien de patriotique […]. Plus le temps avance, mieux c’est pour nous ! Parce qu’on voit bien comment devient la société française. Pour l’instant, elle ne se dirige pas vers un pays de combattants.»


Des propos que l’on pourrait uniquement prêter à des combattants islamistes, si ils n’étaient tenus également dans de nombreuses banlieues françaises, au sein desquelles les jeunes immigrés ou d’origine immigrée ne portent aucune estime à une jeunesse « desouche » qui semble parfois avoir capitulé avant même d’avoir combattu.

Le livre ne constitue pas une série d’interviews, mais est rédigé de façon thématique (le rapport des personnes interrogées à l’islam, à la Science, à Dieu, à la politique, au salafisme, au terrorisme, à la France …). Chaque détenu s’y exprime comme il le souhaite (ce sont des morceaux d’entretien sélectionnés par les deux auteurs).

Voici quelques autres extraits des entretiens menés, particulièrement intéressants, et qui démontrent que loin d’être des ignorants, ces personnalités choisies en prison sont plutôt cultivées, réfléchissent, philosophent même.

« L’islam, ce n’est pas vraiment qu’une religion. C’est une justice, une économie, une politique et qui est vraiment claire et précise. Il n’y a pas vraiment d’ambiguïtés à cela. Qu’on le veuille ou pas, c’est un État établi, par le passé, il y a eu un exemple et qui a été fait par le Prophète. L’islam demande à rétablir cela ! » (Paul).

« Dans l’idéologie, l’islam n’est pas apolitique. Le Coran est rempli de versets normatifs : il y a des obligations, des interdictions et la sunna, c’est pareil, et les savants ont fait des livres de jurisprudence. Cela prouve qu’il y a des lois. L’islam n’est pas apolitique, il a vocation à gérer l’État et, malheureusement, ce n’est pas la vision de l’islam en France. On essaie de falsifier l’islam pour faire un islam laïque. » (Michel)

« Ce que je pense du djihad ? La même chose que pensent les Français du ministère de la Défense ! Toute idéologie a une part militaire, et c’est faux de croire que le djihad [serait uniquement militaire] (…). Le fait de mettre un moyen militaire au service de la politique, c’est quelque chose que partagent toutes les idéologies et les religions. Le djihad ne veut rien dire d’autre que le qital [le combat] ! C’est la guerre ! » (Omar)

Sur la France, les interrogés reconnaissent quasiment tous ce qu’ils lui doivent et décrivent parfois des souffrances passées. Mais ce sont les propos de Michel qui semblent là aussi intéressants : « La France n’a jamais été islamisée et je comprends même ceux qui ne veulent pas des barbus et des voilées. Dans la rue, vous êtes chez vous ! Moi, si j’étais un non-musulman français, je pourrais peut-être comprendre que ça ne plaît pas de voir des barbus et des voilées, et même trop d’étrangers en France. Je dirais : on est chez nous et on ne veut pas trop de ça, je serais peut-être d’extrême droite ! L’islam est un peu comme ça aussi.
Quand on est dans un État islamique, il y a des lois qu’il faut respecter, on ne peut pas se balader en minijupe, il faut que tu respectes les lois. »


Par ailleurs pour les deux auteurs « la vision du salafisme chez nos interviewés se veut à la foi mondialiste et multiculturelle. Selon cette logique, il ne peut en aucun cas refléter une culture religieuse locale imposée au reste du monde musulman à coups de pétrodollars. Le salafisme n’est nullement la propriété d’un État, d’un groupe ou d’un mouvement. Toute personne qui s’efforce de suivre, par son comportement et sa manière d’être, les pas du prophète Mohammed et des pieux ancêtres qui ont vécu durant les trois premiers siècles après sa mort peut s’en revendiquer. »

Nous vous laissons le soin, de lire le livre en entier, pour mieux comprendre ce qui guide ces islamistes , pour mieux comprendre leur façon de penser et d’agir. Un ouvrage témoignage particulièrement intéressant dans lequel les deux auteurs ont le mérite de ne pas porter de jugement, et à éviter les écueils du classement comme « fou » ou « déséquilibré » de ces individus.

Soldats de Dieu, paroles de djihadistes incarcérés – Xavier Crettiez et Bilel Ainine – Editions de l’Aube – 15 euros

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