20 mai 2017

Les Français en guerre de 1870 à nos jours


Dans un contexte de retour de la guerre et de mobilisation des Français, l’ouvrage « les Français en guerre de 1870 à nos jours » de François Cochet constitue la première synthèse sur la geste guerrière de la France de 1870 à nos jours.

Présentation de l’éditeur :

De l’étonnante « Déclaration de paix au monde » du 22 mai 1790 à la déclaration de la guerre totale et révolutionnaire au nom de la liberté du 15 décembre 1792, la Révolution française a posé les jalons des deux grandes attitudes qui s’expriment à l’égard de la guerre. Car les Français depuis lors balancent : ils disent aimer la paix, mais n’hésitent pas à souvent s’engager dans des conflits armés. Guerre de 1870, conquêtes coloniales, décolonisations, guerres mondiales ou opérations extérieures (OPEX) en témoignent : les armées françaises n’ont cessé de combattre, en métropole comme dans les sables du désert, des neiges de la Norvège aux rizières d’Indochine. Aujourd’hui encore, jamais l’armée française n’a été engagée sur d’aussi nombreux théâtres d’opérations – Hexagone inclus.

Pour comprendre ce phénomène d’une brûlante actualité, il faut se pencher sur les hommes, les discours et les pratiques qui, à des titres divers, ont considérablement évolué. Car si la conscription massive semble s’imposer entre 1889 et 1997, les modalités réelles de recrutement se révèlent souvent plus complexes. De même, les dirigeants doivent expliquer les valeurs qu’ils défendent et qui motivent l’engagement armé du pays.

Les opinions publiques et les soldats s’expriment également tantôt pour contester la guerre, tantôt pour la justifier. Autant de discours qui permettent de mesurer le degré d’adhésion aux conflits auxquels la France a participé. Reste, enfin, à envisager les formes du combat – une réalité en profonde mutation. Le temps des gros bataillons de masse s’estompe avec les deux guerres mondiales ; aux chocs frontaux de 1914 succèdent des engagements plus limités menés avec des armes de plus en plus sophistiquées ; la notion même de « champ de bataille » disparaît, la guerre frappant désormais tous les espaces.

Nourri des recherches les plus récentes et de sources inédites, l’ouvrage présente la synthèse que l’on attendait sur la France en guerre, de 1870 à nos jours.

Un livre passionnant, qui nous plonge en profondeur (la bibliographie est colossale) dans l’évolution de l’armée française, de sa façon de faire la guerre, de sa composition humaine, sur 150 ans bientôt. François Cochet, agrégé et docteur en histoire, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Lorraine-Metz, spécialiste des conflits contemporains et de l’expérience combattante du XIXe siècle, à nos jours, va passionner son lectorat.

Les Français en guerre, de 1870 à nos jours – François Cochet – Perrin – 25€

Nous l’avons interrogé ci-dessous :

Breizh-info.com : Tout d’abord, qu’est ce qui vous a amené à la passion de l’histoire et à votre carrière professionnelle ?

François Cochet : Le goût de l’histoire m’est venu très tôt. Mes parents étaient abonnés à des revues grand public comme « Historia ». L’épopée napoléonienne a été -comme beaucoup de petits garçons de mon âge dans les années 1960- un déclencheur d’interêt pour l’histoire des guerres.

En terminale scientifique j’hésite entre médecine et la recherche en histoire, sans trop savoir de quoi il s’agit à l’époque et sans connaître le moins du monde la hiérarchie universitaire. Après mon agrégation, quelques années en secondaire, puis le « cursus honorum » de l’universitaire classique. Doctorat et recrutement comme maître de conférences ( à Reims), puis HDR (habilitation à diriger les recherches) et élection comme Professeur des Universités (d’abord à Limoges puis à Metz).

Breizh-info.com : Pourquoi avoir choisi 1870 (succession entre Empire et République) comme date de départ de votre ouvrage ? En quoi 1870 marque une rupture, dans la façon de faire la guerre ou de l’appréhender pour la France et les Français ?

François Cochet : La guerre de 1870 est le premier conflit moderne de notre histoire. Non seulement par les armements qui ont fait des progrès immenses entre les années 1840 et les années 1870, mais déjà par son caractère de rapidité de déplacements des troupes (grâce au train) et l’importance de la logistique.

En outre, elle présente la spécificité de commencer sous un Empire et de s’achever sous une République dans les affres d’une horrible guerre civile (La Commune de Paris).

Elle met en oeuvre, dans la partie républicaine de a guerre, des populations civiles armées (les « Francs-Tireurs ») qui préfigurent assez fortement la notion de peuple en armes de la Résistance, durant la Seconde Guerre mondiale.

A tous ces titres, la guerre de 1870 constitue effectivement une rupture importante dans les manières de faire la guerre.

Breizh-info.com : Si vous deviez établir la comparaison (et les points de ressemblance) entre un soldat français de 1870 et un soldat français d’aujourd’hui, que diriez vous ?

François Cochet : Un premier point de ressemblance s’impose. Un soldat est au service d’un gouvernement légal qui lui donne l’ordre d’aller combattre ici ou là. Le soldat de 1870, comme celui d’aujourd’hui ne décide pas de la guerre, mais il la fait, sur ordre. Une deuxième ressemblance tient dans la disponibilité des troupes qui doivent demeurer sous pression tout le temps, même si -fort heureusement- elles ne combattent pas tout le temps.

Les différences, sont bien entendu, immenses aussi. En 1870, c’est le nombre de combattants qui fait la puissance d’une armée. Aujourd’hui, non seulement les porteurs d’armes directement engagés au feu sont de moins en moins nombreux, mais l’on a vu monter considérablement monter en puissance la notion de « logistique » au sens large, nécessaire pour l’alimentation en renseignements, transports, approvisionnements de toutes sortes, le soldat directement au feu.

Dans une armée actuelle, il y a entre 12 et 15 non-combattants pour 1 combattant direct.

Breizh-info.com : Comment a évolué le rapport à la mort dans la tête des français engagés sur les conflits ? On a l’impression qu’aujourd’hui, le moindre homme tué au combat compte nationalement et médiatiquement ce qui n’était pas le cas hier.

François Cochet : Longtemps, la seule « belle mort » a été la mort au combat. Mais effectivement, les démocraties occidentales sont réticentes à voir des hommes mourir à la guerre (alors même que la mort au combat est érigée par d’autres en martyrologue). Mais c’est surtout parce que notre société très riche a de plus en plus tendance à nier la mort elle-même. Au 19e siècle, la mort faisait intrinsèquement partie de la vie quotidienne.

Les vieillards mourraient chez eux, entourés des leurs, et non pas derrière un paravent dans un hôpital, les enfants étaient encore nombreux à mourir dans leur jeune âge et les parents le savaient et avaient tendance à faire plus d’enfants pour être sûr d’en conserver. Aujourd’hui, la mort n’est plus vue comme une chose naturelle, mais comme un scandale. C’est encore plus vrai dans le cas de la mort violente donnée par les armes.

En 2010, un certain nombre de familles des 10 tués de l’embuscade d’Uzbin en Afghanistan ont porté plainte contre l’Etat, alors même que ces soldats tués avaient le statut d’engagés volontaires, ayant acceptés de donner mais aussi de recevoir la mort au combat.

Breizh-info.com : Quel regard portez vous sur la professionnalisation de l’armée et la fin de la conscription ? Quelles conséquences et quelles transformations cela a t »il entrainé ?

François Cochet : La professionnalisation était déjà en cours avant 1997 et correspondait à plusieurs logiques. Le temps n’est plus au gros bataillons, mais à des soldats très « technologisés » en petit nombre. En outre, la guerre d’Algérie a constitué un moment de rupture entre la jeunesse française et la notion de « devoir de défense ». Il fallait effectivement passer à une armée de métier, ce que Charles de Gaulle préconisait dès la fin des années 1930.

La fin de la conscription (la loi de 1997 dit la « suspension » et non la « suppression » d’ailleurs!!) est d’ailleurs passée « comme une lettre à la poste » et n’a pas fait l’objet de grands débats politiques, comme l’avait fait l’instauration d’une conscription généralisée en 1889. Pourtant après 1997, le « deal » était le suivant: avoir une armée de format réduit mais mieux équipée.

De ce point de vue, le but n’est pas atteint, du fait que la France est le pays d’Europe occidental a avoir le plus réduit ses dépenses militaires. Certains matériels sont usés jusqu’à la corde (les VAB par exemple), la France n’a qu’un porte-avion l’obligeant à ne pas être opérationnel lors des grandes révisions. Pour intervenir au Mali, la France a du louer des avions gros porteurs.

Par ailleurs, en quelques années, l’ARmée de terre est passée de 120 000 à environ 80 000 (« L’armée du stade de France », dans la mesure où la totalité des personnels de l’Armée de terre pourrait y tenir), alors qu’il y a plus de 143 000 personnels de la SNCF.

Dans le cadre des interventions extérieures comme dans celui des missions sur le sol français (vigipirate), les troupes sont très (trop?) fortement sollicitées. L’évolution favorable, c’est que depuis quelques années, les Français aiment considérablement leur armée et que les temps d’un antimilitarisme virulent des années 1970 est dépassé.

Breizh-info.com : Sur plusieurs générations, une famille de militaires français aura pu voir l’ainé partir coloniser le monde, son fils se battre pour ne pas perdre les terres conquises par son père, et son petit fils se battre contre ceux que le grand père avait colonisé…n’est ce pas à y perdre le nord ?

François Cochet : C’est effectivement possible dans certaines familles ou la carrière militaire constitue une tradition. Pourquoi serait-ce perdre le Nord? C’est tout simplement le signe que la République française s’est d’abord constitué un Empire colonial (comme toutes les puissances européennes) au XIXe siècle, qu’elle a ordonné à ses soldats de le conquérir, puis de défendre cet Empire colonial au moment de la décolonisation et de lutter contre le terrorisme aujourd’hui.

C’est tout simplement l’évolution des grandes missions que se fixent les régimes politiques qui ont évolué. Encore une fois, le soldat ne choisit pas les missions qui lui sont confiées.

L’armée française a-t-elle progressé entre plus d’un siècle, dans le sens , a t-elle retenue des erreurs commises à chaque conflit ?

Les militaires sont comme les hommes politiques, il leur arrivent de commettre des erreurs. Mais alors que ces derniers n’ont pas de mémoire de leurs erreurs, les militaires se voient reprocher tel ou tel comportement. Les défaites françaises existent, bien entendu. Mais elles doivent être analysées à l’aune de plusieurs responsabilités croisées. Ainsi la guerre d’Indochine est perdue non pas parce que l’ARmée française y est mauvaise, mais parce que les dirigeants de la IV e République ne donnent jamais les moyens militaires de l’emporter..

La guerre d’Algérie est gagnée sur le terrain mais perdue diplomatiquement et politiquement. La réalité historique est toujours plus complexe que les stéréotypes de mémoire.

Ce qui est certain, c’est que l’armée française a toujours pratiqué ce que l’on appelle aujourd’hui le « Retex » (retour d’expérience) et qu’elle a su tirer les enseignements de certains travers, notamment au plan opérationnel et montrer la voie à d’autres armées.

L’usage de l’hélicoptère pour déposer des troupes au plus près de l’ennemi, que développent les Français en Algérie, est totalement repris par les Américains durant la guerre du Vietnam.

Breizh-info.com : Comment voyez vous l’armée français et le soldat français dans cent ans ?

François Cochet : Vaste question: l’historien n’est pas « Madame Soleil »!! Plus numérisée incontestablement, sans doute plus « dématérialisée » comme l’ensemble des sociétés d’alors. Sans doute plus robotisée aussi. Le rêve étant de se combattre sans mettre en danger la vie de soldats de chair et de sang.

Quant à la guerre, qui fait partie de la nature humaine depuis le néolithique, elle aura changé de visage, mais elle sera toujours là.

Breizh-info.com : Que lisez vous actuellement ? Des conseils ?

François Cochet : Je lis des ouvrages de collègues, pour continuer de travailler, et constamment les aventures complète de Sherlock Holmes de Conan Doyle, un des grands repères de ma vie !

Propos recueillis par Yann Vallerie
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