04 mars 2017

Sérendipité et génie hydraulique

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La sérendipité est le fait de réaliser une découverte inattendue au cours d'une recherche dirigée initialement vers un objet différent de cette découverte.

En partant des bâdgirs de Yazd en Iran et autres windcatchers (tours à vent), j'arrive à Karez en passant par Foggaras, Khettaras, Qanats, presque un abécédaire.

Un Qanat est un système d'irrigation souterrain qui permet de récolter les eaux d'infiltration, aussi appelé Foggara dans les régions du Gourara et d'Adrar, au Mzab, en Algérie, et Khettara au Maroc.

On trouve de nombreux Qanats en Iran à fleur de terre notamment à Yazd, la ville des bâdgirs.

Le Karez (ou Quarez), quant à lui, est une forme extrêmement ancienne de construction horizontale destinée à la collecte de l'eau. 

Inspiré du système persan des qanats, il a été développé il y a 2000 ans pour exploiter l'eau des nappes phréatiques à Tourfan (ou Turfan), ville-oasis située dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, bordant par le nord le grand désert du Taklamakan.


Crédit photo © Galerie de Rongpuk - Flickr

La ville est à 80 m sous le niveau de la mer et ne reçoit que 16 mm de pluie par an, c'est l'un des points les plus chauds de Chine.

Le Xingjiang possède cependant d'immense nappes phréatiques très profondes, notamment dans les montagnes proches, les monts Flamboyants, mais dont l'accès est limité, non seulement par la profondeur, mais aussi -à l'époque où les Karez furent construits- par le caractère rudimentaire des outils de forage à disposition. L'idée de localiser ces nappes et de creuser un tunnel souterrain qui amènerait l'eau jusqu'aux terres à irriguer en contrebas, plutôt que de faire remonter l'eau à la surface, était pour le moins audacieuse.

C'est à l'époque de la dynastie des Han (206 av. JC – 24 ap. JC) qu'est né ce système, complexe et ingénieux, unique en son genre.


Crédit photo © archiv.heart-of-silkroad.de

Crédit photo © roughandreadytours.com

Le Karez est constitué de puits verticaux creusés à l'origine tous les quatre-vingts mètres, et reliés par un canal souterrain horizontal excédant rarement 1,50 de hauteur sur 0,80 m de large, sur une longueur de 5 à 20 km. 

Les galeries, qui furent creusées à la main, sont alimentées par les eaux d'infiltration, dues essentiellement à la fonte des neiges qui fait monter le niveau des nappes. 

Leurs tracés souterrains ont le double avantage de ne nécessiter aucun système de pompe puisque l'eau descend sous l'effet de la pesanteur -le canal est construit en pente douce-, et de limiter considérablement les pertes dues à l'évaporation, avantage inestimable compte tenu des températures extérieures très élevées.


Crédit photo © chinalandscapes.com

À son origine, le Karez comptait 172 000 puits pour une longueur totale estimée à plus de 5 272 km. Actuellement il n'en reste qu'environ 600 -ils totalisent plus de 1600 km de tunnels à 70 m de profondeur-, mais le système fonctionne toujours.

Ils ont été construits par les Karez-Kan, ou foreurs de puits. Leur travail était difficile et dangereux. Ils travaillaient en milieu humide, les petites galeries étaient basses et étroites et présentaient le danger de s'effondrer à chaque instant. Les Karez-Kan jouissaient ainsi d'un grand respect et de salaires élevés.


Crédit photo © voyages-chine.com 

Aujourd'hui, aucun Karez supplémentaire n'est construit mais chacun d'entre eux nécessite un entretien méticuleux. Son coût est traditionnellement réparti entre chaque habitant du village qui en profite selon la surface de champs qu'il possède.

Pour faciliter cet entretien, les Ouïghours ont construit des puits disposés tous les 20 mètres environ. Les Karez-Kan peuvent ainsi descendre pour éventuellement désengorger un canal bouché, ou remonter la terre qu'il est nécessaire d'évacuer lors des travaux annuels de maintenance.


Crédit photo © turkbilimi.com

Ce réseau souterrain sert toujours à la population locale, il fournit de l'eau potable de très bonne qualité -les habitants bénéficient ainsi d'eau courante, chose étonnante au milieu d'une région aussi désertique-, et il continue d'irriguer, comme par le passé, les cultures de fruits installées tout au long d'une vallée verdoyante qui s'étend à l'est de la ville, au pied du massif des Tian Shan, au mépris des températures qui avoisinent les 50° en été (contre -15° en hiver).

La culture du raisin à Tourfan est vieille de 2000 ans

Les Ouïghours en produisent une centaine de variétés réputées dans toute la Chine, la plus connue étant un raisin blanc sans pépins, de forme allongée, dénommé pis de jument. Dés le mois d’août la récolte est mise à sécher dans de longues bâtisses de terre construites sur les hauteurs. Le vent chaud et sec qui entre par les trous percés dans leurs murs transforme les raisins en délicieux fruit secs.


Crédit photo © enroutepourlasie.com  

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