06 mars 2017

En Syrie, on fera sans Trump...


Il semble de plus en plus évident que les Russes sont décidés à se passer de leurs “partenaires” US qu’ils espéraient retrouver avec Trump, comme cela a commencé à paraître évident depuis disons deux semaines. Désormais, la chose commence à se marquer au Moyen-Orient, en Syrie plus précisément, qui devait être le champ de prédilection d’un renouveau de coopération Russie-USA, et comme la dynamique semblait effectivement s’amorcer depuis l’élection de Trump.

Le site israélien DEBKAFiles, avec tous ses travers et ses manipulations, et tenant compte des uns et des autres, est un excellent indicateur à cet égard. DEBKAFiles avait effectivement annoncé les premiers effets de ce rapprochement initial, dans l’immédiat post-élection USA-2016, jugeant même comme tout à fait exceptionnel qu’un président-élu active aussi vite sa politique, et une politique si différente que l’ectoplasme confus faisant triste figure de politique qui était jusqu’alors en place. Nous nous étions fait l’écho de ces avancées de la coopération russo-américaniste dans la nouvelle ère-Trump, notamment courant novembre. Il semble désormais assuré que ces premiers indices n’aient pas été confirmés et qu’au contraire l’espoir d’une coopération s’éloigne de plus en plus, essentiellement sinon exclusivement en raison d’une complète absence des USA. Ainsi est-il intéressant de noter que le même DEBKAFiles décrit désormais (le 5 mars) une situation syrienne où les USA sont totalement absents et où les Russes occupent la place centrale, avec leurs alliés iraniens et syriens, ralliant à eux d’autres forces jusqu’alors acquises aux USA, les Kurdes notamment... (Cette situation n'est évidemment pas sans poser des problèmes à Israël, qui veut conserver de bonnes relations avec la Russie mais qui craint la présence iranienne en Syrie et le renforcement du Hezbollah qui l'accompagne.)

« Constantly bombarded by allegations that his campaign associated with Russian intelligence, US President Donald Trump has held back from going through with his original plan for teaming up with Moscow in Syria for the important campaigns of wiping out the Islamic State and relieving Syria of Iran’s iron grip. His entire Middle East policy is up in the air, while he grapples with domestic foes. The much talked-of US coalition with its regional allies, Saudi Arabia, Egypt, Jordan and Israel, is also in abeyance. [...]

» ...Putin is not waiting for Trump and is already on the move, DEBKAfile’s sources report.

» Friday, March 3, Russian special operations units recovered the Syrian town of Palmyra from the Islamic State. That day too, the Syrian Democratic Forces (SDF), composed predominantly of the Syrian Kurdish YPG militia and Arab tribesmen from the north, agreed to hand over their positions in the strategic town of Manjib to the Russians and the Syrian army,The SDF was created, trained, armed and funded by the United States as the potential spearhead force for the offensive against the Islamic State. This force was able to last year to capture the small (pop: 50,000) northern town of Manjib, 30km west of the Euphrates, thanks only to US aerial bombardments of ISIS positions and American advisers.

» How come that this important US ally suddenly surrendered its positions to the Russians and Assad’s army? There is more than one reason. Firstly, the SDF’s Kurdish and Arab commanders apparently decided to give up on waiting for Washington to come round, especially since the only weapons they had received from the Obama administration for fighting ISIS were Kalashnikov AK-74 rifles. »


Cette situation sur le terrain est largement confirmée, notamment dans l’esprit de la chose, par des déclarations des chefs militaires russes en Syrie qui sortent de leur réserve habituelle en matière de communication (la discrétion a toujours été le caractère principal des chefs militaires russes). Ces chefs exaltent autant qu’ils commentent, notamment à l’occasion de la reprise de Palmyre, le rôle important des forces russes sous leur commandement, y compris les forces terrestres (forces spéciales) dont le rôle très important dans cette bataille n’est plus dissimulé et n’est plus du tout présenté comme un appoint exceptionnel mais bien comme une pièce essentielle de la structure de combat contre les forces terroristes.

Parmi les détails opérationnels qui sont donnés, – cela, autre signe de la volonté russe de mettre en évidence leur implication dans la bataille, – on apprend de source officielle la participation, jugée très satisfaisante, d’hélicoptères d’attaque Kamov Ka-52 Alligator, hélicoptère d’attaque de la seconde génération et matériel le plus moderne des forces armées ruses. Ces divers détails montrent une volonté de développer une communication tendant à glorifier, à mettre en avant, à souligner un engagement russe qui est désormais sans restriction forcée (politique) en Syrie. Ci-dessous, notamment pour RT, des déclarations, d’abord du Colonel Général Kartapolov, qui commande toutes les forces russes en Syrie : la Russie règne...

« “I’d like to highlight the actions of our Aerospace Forces, which deprived the enemy of the ability to maneuver and timely deliver reinforcements, [as well as] the actions of the subdivisions of the Special Forces of the Russian military, which conducted reconnaissance and hit the most important objects,” Kartapolov told reporters on Sunday. “We spent a lot of time preparing it, taking into account all the special factors that were revealed during the previous retaking of Palmyra, which allowed us to carry out the task within a short time and with minimal losses,” he explained.


» Kartapolov also praised the bravery and self-sacrifice of Syrian soldiers, officers, and militiamen. “I think the most important thing is that the Syrian soldiers and officers believed in themselves, they believed that they can return what they had lost,” he said.

Earlier, the head of the Russian General Staff Main Operational Directorate, Sergey Rudskoy, also pointed to the “decisive contribution” made by Russian forces to the victory in Palmyra. Rudskoy particularly praised Russia’s Ka-52 helicopters, which demonstrated their high efficiency in mountainous areas and desert terrain. »


Ce constat général venu du côté russe, annonçant clairement l’analyse de DEBKAFiles, avait en fait été précédé d’appréciations du côté US présentant la “politique” Trump en Syrie comme une “stratégie de l’inaction et du silence”, – on ne fait rien, on ne dit rien, et l’on a tant d’ennuis intérieurs dans le désordre washingtonien où règne la guérilla permanente que l’on n’est pas si mécontent que les Russes se chargent de l’essentiel de la bataille contre Daesh et les divers terroristes en action en Syrie. On a vu cela le 26 février 2017, où l’on nous décrivait cette “stratégie” de l’administration Trump, celle de l’inaction et du silence...

« Another important part of Trump’s policy of silence involves Syria. Since becoming president, Trump has rendered events in Syria irrelevant, making the issue disappear from the media radar. Thanks to Trump’s guerrilla tactics, lobbing smoke grenades hither and tither and signing two executive orders a day, the media simply does not have the time and perseverance to keep up with everything. One of the sacrificial victims has been the reality in Syria; but a lack of attention from the mainstream media is currently the best hope that we can desire for the Syrian people.

» Trump’s attitude seems to be deliberately cautious and silent about developments in that nation. The situation in Syria is firmly in Russian hands, and what seems to be occurr is an indirect coordination between Washington and Moscow against Daesh in the country. The silence from Trump certainly irritated the most radical and extreme wing of the deep state, but any attempt to sabotage this progress in Syria now seems to be wrecked thanks to the inaction of the Trump administration and the actions of Moscow. The final coup de grace would be to openly cooperate or act in joint US-Russia actions to defeat terrorism in the region. »

... Certes, il est difficile d’affirmer que les USA ne sont plus en Syrie, dans le formidable désordre actuel, qu’ils ont tant contribué à faire prospérer et où ils ont partout introduit des détachements de forces (“spéciales” ou non, ce qualificatif tend à devenir extrêmement vague), des réseaux de soutien et d’influence, des flux d’armes et d’argent, tout cela sans coordination et parfois dans des positions de confrontation. Certains voient même le risque d’un enlisement en cours pour les forces US.

Pour autant, le fait fondamental que nous mettons en évidence est la perception régnant dans la zone de guerre à la fois de l’influence de la communication, à la fois de la stratégie la plus cohérente et nécessairement dominante. Dans ce cas, les Russes sont effectivement la force principale et ils ne cessent de l’afficher de plus en plus, ne craignant même plus de le montrer directement, en faisant parler leurs chefs militaires, après avoir vérifié depuis leur intervention directe (septembre 2015) que la souplesse de leur dispositif et les relations qu’ils ont établies avec les uns et les autres semblent bien les garantir contre toute espèce d’enlisement qui échapperait à leur contrôle.

L’affichage de communication qu’ils ont choisi (l’intervention effectivement de communication des chefs militaires) montre que les Russes veulent effectivement à la fois assurer et assumer cette posture. Ils le font parce qu’ils n’ont pour l’instant plus aucun espoir de pouvoir coopérer d’une façon visible et politiquement efficace avec les USA, même si une telle coopération se fait dans telle ou telle occurrence, sur le terrain pour des raisons tactiques, et d’ailleurs aussi bien dans un but de sécurité réciproque (éviter des “incidents accidentels”) qu’éventuellement pour coordonner des actions contre Daesh et le reste. Comme l’on sait, ils attendaient Trump et sa nouvelle administration pour lancer une phase nouvelle dans ce sens. Le constat général et l’enseignement principal sont bien qu’il n’y a pour l’instant, et sans doute pour longtemps, plus rien à attendre de Washington D.C. ; parce que Washington D.C. est complètement enfermé dans une paralysie colossale par les luttes internes entre l’administration Trump et son “opposition” comme on en a chaque jour des exemples, et comme chaque jour nous en montre l’aggravation. Le statut des USA en tant que puissance est en train de voir une accélération dramatique d’un déclin déjà très fortement installé par l’administration Obama et la politique d’“irresponsabilité” suivi par son président.

Il n’est pas assuré que cette évolution déplaise nécessairement à Trump, si l’on s’en rapporte à ses discours de campagne, à condition bien sûr que cet effacement lui permette de mieux prendre en mains les problèmes intérieurs des USA, – ce qui est loin, très loin d’être acquis, toujours à cause de cette paralysie due à la bataille en cours à Washington, laquelle risque de durer très longtemps et, justement, d’avoir des conséquences internes extrêmement graves. Mais ce n’est là que faire une fois de plus la description de la Crise Générale en constante aggravation.

Quant aux militaires et aux diverses agences US, les uns et les autres ont également fort peu d’espace pour manœuvrer s’ils voulaient poursuivre une politique propre en Syrie. Eux aussi, c’est-à-dire toute la structure de sécurité nationale, sont engagés dans la bataille interne de Washington, et leur premier soucis aujourd’hui est purement défensif au niveau de cette bataille, à Washington même : protéger leurs positions intérieures respectives, leurs puissances à l’intérieur du Système, leurs domaines, leurs privilèges, etc. Rien ne se profile à l’horizon que la poursuite et l’accélération du désordre interne du Système avec ses conséquences globalisées ; avec, certes, comme principale force stabilisatrice la Russie, mais une Russie qui ne peut intervenir, – même si elle le fait bien, – que sur un nombre limité de théâtre, pour garantir sa propre sécurité et y maintenir ou tenter d’y restaurer un semblant de stabilité.

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