04 mars 2017

Ce que signifie vraiment l’inflation...


Les économistes et commentateurs s’entendent presque à l’unanimité sur le fait que l’inflation soit une question de hausses générales des prix des biens et services. Est établie sur cette définition l’idée que tout ce qui contribue à une hausse des prix génère de l’inflation.

Un déclin du chômage ou une croissance de l’activité économique est perçue comme susceptible de générer de l’inflation. D’autres éléments déclencheurs, tels qu’une hausse des prix des marchandises ou des salaires, sont également perçus comme des menaces potentielles.

Si l’inflation n’est vraiment qu’une hausse générale des prix, comme le veut la conscience populaire, pourquoi est-elle largement perçue comme une mauvaise chose ? Quel genre de dommages génère-t-elle ?

Les économistes traditionnels pensent que l’inflation est source d’achats spéculatifs, qui eux-mêmes sont sources de gaspillage. L’inflation, nous dit-on, dégrade également les revenus réels des retraités et des salariés à faibles revenus, et génère une mal-allocation des ressources. L’inflation, nous dit-on aussi, sape la croissance économique réelle.

Pourquoi une hausse générale des prix porterait-elle atteinte à certains groupes et pas à d’autres ? Comment l’inflation génère-t-elle une mal-allocation des ressources ? Pourquoi une hausse générale des prix affaiblit-elle la croissance économique réelle ?

Si l’inflation peut être provoquée par divers facteurs tels que le chômage ou l’activité économique, alors elle n’est certainement qu’un symptôme, et ne peut pas causer quoi que ce soit.

Afin de déterminer ce que signifie vraiment l’inflation, il nous faut établir sa définition. Pour ce faire, il nous est nécessaire d’en revenir à l’émergence de ce phénomène. Retraçons donc ses origines historiques.
 
L’essence de l’inflation

Historiquement, une inflation faisait son apparition quand le chef d’un pays, comme par exemple un roi, forçait ses citoyens à lui livrer toutes leurs pièces d’or sous le prétexte de les remplacer par de nouvelles. Le contenu des nouvelles pièces était falsifié grâce à l’ajout d’un autre métal, et ces pièces diluées étaient ensuite redistribuées aux citoyens. Voici ce que nous en dit Rothbard :

De manière générale, l’atelier de frappe monétaire fondait et refrappait les pièces du royaume, et redistribuait aux gens le même nombre de « livres » ou de « marks », mais d’un poids inférieur. Les onces d’or et d’argent restantes étaient empochées par le roi et utilisées pour financer ses dépenses.

Au travers de cette dilution des pièces d’or, le dirigeant d’un pays pouvait en frapper un plus grand nombre, et récupérer à ses propres fins les pièces supplémentaires (détourner des ressources réelles vers lui-même). Les nouvelles pièces d’or en circulation étaient en fait des pièces d’or diluées.

La hausse du nombre de pièces en existence, née de la dilution des pièces d’or, est un parfait exemple de l’inflation. En conséquence de la hausse de la quantité de pièces se faisant passer pour des pièces d’or pur, les prix en termes de pièces d’or augmentaient (plus de pièces devaient être échangées contre une même quantité de biens).

Notez que ce que nous avons ici est une inflation des pièces, ou une expansion du nombre de pièces en existence. En conséquence de cette inflation, un roi pouvait s’engager dans un échange de rien du tout contre quelque chose (il détournait des pièces depuis ses citoyens vers lui-même).

Notez également que la hausse des prix en termes de pièces d’or naît ici de l’inflation des pièces. En revanche, c’est l’expansion du nombre de pièces en existence au travers de la dilution des pièces d’or qui permettait un détournement de ressources plutôt qu’une hausse des prix en tant que telle.

Sous un étalon or, cet abus du moyen d’échange est devenu bien plus avancé, et a pris la forme d’émission de monnaie papier non-garantie par l’or.

L’inflation signifiait une hausse de la quantité de reçus échangeables contre de l’or au travers de l’émission de reçus non-échangeables mais se faisant passer pour des représentant de la vraie monnaie, l’or.

Le propriétaire de reçus non-échangeables pouvait ainsi s’engager dans un échange de rien du tout contre quelque chose. En conséquence de la hausse de la quantité de reçus en circulation (de l’inflation des reçus), nous assistions à une hausse générale des prix.

Ici, une hausse des prix se développe en raison l’émission de reçus papiers non-garantis par de l’or.

Ce que nous avons ici est donc un détournement vers eux-mêmes de ressources réelles par les émetteurs de reçus non-garantis, sans aucune contribution à la production de biens.

Dans le monde moderne, la monnaie n’est plus de l’or mais du papier, c’est pourquoi l’inflation est désormais devenue une hausse de la quantité de papier monnaie.

Je n’essaie pas de dire ici qu’une hausse de la masse monétaire génère une inflation. Mais que l’inflation constitue une hausse de la masse monétaire.
L’inflation, c’est une destruction de capital

Notez que toute hausse de la masse monétaire représente un échange de rien du tout contre quelque chose. Elle détourne les financements réels depuis les créateurs de capital vers la monnaie nouvellement créée. C’est de là que naît une mal-allocation de ressources, plutôt qu’une hausse de prix.

Les revenus réels des créateurs de capital déclinent, non pas en raison de la hausse générale des prix, mais de la hausse de la masse monétaire. Lorsque la masse monétaire est élargie (que de la monnaie est créée à partir de rien), les propriétaires de nouvelle monnaie peuvent détourner des biens vers eux-mêmes sans faire aucune contribution que ce soit à la production de biens.

En conséquence, les créateurs de capital qui ont contribué à la production de biens découvrent que le pouvoir d’achat de leur monnaie a décliné, parce que moins de biens leurs sont disponibles – ils ne peuvent donc plus exercer pleinement leur demande en biens.

Une fois que les créateurs de capital réalisent que moins de ressources leurs sont disponibles, la création de capital s’en trouve affectée. En conséquence, la croissance économique réelle est mise sous pression.

Les hausses générales de prix qui font suite aux croissances de la masse monétaire constituent une érosion du capital réel. Mais elles ne sont pas à elles-seules responsables de cette érosion.
Une hausse des prix des marchandises peut-elle générer de l’inflation ?

Selon une majorité des économistes, la hausse des prix des marchandises est un important facteur de la hausse générale des prix.

Nous avons pu voir que l’inflation naît d’un acte délibéré de dévaluation de devise – au travers de l’émission de reçus non-garantis par l’or sous un étalon or, et d’une hausse de la masse monétaire sous un étalon papier.

Une hausse des prix des marchandises en tant que telle ne constitue pas un acte de détournement. Par exemple, au sein d’une économie de marché, une hausse du prix du pétrole par rapport à celui d’autres biens n’est qu’une réflexion de la transformation de la demande. Cela n’a évidemment rien à voir avec une dévaluation monétaire au travers d’une création de monnaie à partir de rien.

Si le prix du pétrole grimpe et que les gens continuent d’utiliser la même quantité de pétrole qu’auparavant, alors ces derniers se trouvent forcés d’allouer plus de capital au pétrole. Si les réserves monétaires des gens demeurent inchangées, moins de capital leur est disponible pour l’achat d’autres biens et services.

Cela implique bien évidemment que le prix moyen des autres biens et services doit baisser. Souvenez-vous qu’un prix est la somme d’argent payée pour une unité de bien. Le terme « moyen » est utilisé ici de manière conceptuelle. Il est évident qu’une telle moyenne ne puisse être calculée.

Dans l’ensemble, la somme d’argent dépensée sur des biens ne change pas, ce n’est que la composition des dépenses qui se trouve altérée, avec de plus grosses sommes dépensées sur le pétrole et de plus petites sur les autres biens. Le prix moyen des biens (la somme dépensée par unité de bien) demeure inchangé.

Ainsi, le taux de croissance des prix des biens et services en général se trouve contenu par le taux de croissance de la masse monétaire, et non par le taux de croissance du prix du pétrole.

Il n’est pas possible pour une hausse du prix du pétrole de générer une hausse générale des prix des biens et services sans le soutien correspondant d’une création monétaire à partir de rien.

Nous pouvons donc en conclure que la hausse générale des prix qui semble être liée à une hausse des prix des marchandises telles que le pétrole a en fait à voir avec la création de monnaie à partir de rien. Notez que parce que la monnaie nouvellement créée n’intègre pas immédiatement les marchés, une hausse générale des prix survient en conséquence des hausses précédentes de la masse monétaire.

Une majorité des économistes, lorsqu’ils discutent de la hausse générale des prix qu’ils qualifient d’inflation, ne mentionnent jamais le terme « monnaie ». La raison en est le manque de corrélation statistique entre l’évolution de la monnaie et l’évolution des indices de prix tels que l’IPC.

Le fait que l’évolution de la masse monétaire génère une évolution des prix ne peut pas être établi au travers de corrélations statistiques.

Une (absence de) corrélation statistique entre deux variables ne devrait pas être le facteur déterminant de l’établissement d’une causalité. Il est nécessaire d’étudier la structure de cette causalité au moyen du raisonnement.
Les anticipations d’inflation peuvent-elles générer une hausse générale des prix ?

Nous avons pu voir qu’en règle générale, une hausse générale des prix des biens émerge en conséquence d’une hausse de la quantité de monnaie versée pour l’achat de biens.

La clé d’une hausse générale des prix, qualifiée d’inflation par la conscience populaire, est une hausse de la masse monétaire.

Mais qu’en est-il lorsqu’une hausse des prix des marchandises génère une hausse des anticipations d’inflation, qui à son tour renforce la hausse générale des prix ?

Selon une majorité d’économistes, les anticipations d’inflation sont le facteur clé derrière une hausse générale des prix.

Une fois que les gens commencent à anticiper une hausse des prix dans le futur, leur demande en biens et services augmente au moment présent, ce qui fait grimper les prix.

Selon la conscience populaire, les anticipations d’une hausse du niveau d’inflation par les salariés les poussent à réclamer une hausse de leurs salaires. Ces hausses de salaires font à leur tour grimper le coût de production des biens et services, et force les entreprises à transférer cette hausse de coûts aux consommateurs au travers d’une hausse des prix.

Il est vrai que les entreprises déterminent les prix, et il est aussi vrai que les hommes d’affaires, en déterminant les prix de leurs produits, prennent en compte divers coûts de production. En revanche, les entreprises sont ultimement à la merci des consommateurs qui en sont les arbitres ultimes.

Les consommateurs déterminent si le prix fixé est, pour ainsi dire, « juste ». Si les réserves monétaires n’augmentent pas, les consommateurs ne disposent pas de plus d’argent pour soutenir la hausse générale des prix des biens et services.

Ainsi, même s’ils s’attendent à une hausse de prix future, les consommateurs ne sont pas en mesure d’augmenter leur demande au moment présent, et n’influencent pas les prix des biens à la hausse. En conséquence, la quantité de monnaie nécessaire à l’achat de chaque unité de bien demeure inchangée.

Quelles que soient les attentes des gens, si la masse monétaire n’augmente pas, les dépenses des individus ne peuvent pas grimper non plus. Cela signifie qu’aucune hausse générale des prix ne peut se produire sans une hausse préalable du rythme de création monétaire.

Notez que ce ne sont pas les anticipations d’inflation en tant que telles qui génèrent une dévaluation de la devise, c’est pourquoi une hausse des anticipations d’inflation n’a rien à voir avec l’inflation – ou avec une hausse de la création monétaire à partir de rien.

Imaginez que la Fed parvienne à convaincre les gens que les politiques des banques centrales visent réellement à mettre fin à l’inflation et à encourager la stabilité des prix, et que dans le même temps, la banque centrale accélère ses programmes de création monétaire.

Même si les anticipations d’inflation sont stables, le processus destructeur se trouve déclenché en raison de l’accélération du taux de création monétaire. Les anticipations et les perceptions des gens ne peuvent pas défaire ce processus destructeur.

Il n’est pas possible d’altérer la réalité au travers d’anticipations d’inflation. Les dommages qui ont été causés ne peuvent pas être défaits par des anticipations et des perceptions.

Lorsque l’inflation est perçue comme étant une hausse générale des prix, tout ce qui contribue à une hausse de prix est qualifié d’inflationniste. Ce ne sont plus les banques centrales et le système bancaire de réserve fractionnaire qui sont perçus comme les sources de l’inflation, mais de nombreux autres facteurs.

Selon ce point de vue, non seulement la banque centrale n’a rien à voir avec l’inflation, elle est également considérée être une ennemie de l’inflation.

Voici ce que nous en dit Mises :

Afin de ne pas être blâmés pour les conséquences néfastes de l’inflation, le gouvernement et ses hommes de mains ont recours à une ruse sémantique. Ils tentent de transformer la définition des termes qu’ils utilisent. Ils appellent inflation la conséquence inévitable de l’inflation, c’est-à-dire la hausse des prix. Ils cherchent plus que tout à faire oublier le fait que cette hausse est produite par une croissance de la masse monétaire et de la quantité de substituts de la monnaie. Ils ne mentionnent jamais cette hausse. Ils blâment les entreprises pour la hausse du coût de la vie. C’est là l’exemple classique du voleur qui crie « Au voleur ! » Le gouvernement, qui au travers de sa création monétaire est responsable de l’inflation, accuse les entreprises et les marchands, et se vente d’être le champion des bas prix.

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