06 mars 2017

Arès : les secrets d'un Blade Runner à la française


Tourner un film de science-fiction efficace avec très peu d'argent sans s'expatrier dans les pays de l'Est et en s'appuyant sur les meilleurs spécialistes français d'effets spéciaux, c'est le pari remporté par le producteur Matthieu Tarot.


Est-il possible de tourner intégralement en France, un film de science-fiction de qualité? Pour Luc Besson, visiblement la réponse est non. Pour sa prochaine superproduction Valérian et malgré un crédit d'impôt spécialement voté pour lui à l'Assemblée, le réalisateur n'a finalement donné que très peu de travail aux sociétés d'effets spéciaux françaises.

Elles sont pourtant de haut niveau et auraient bien eu besoin d'une telle commande. Heureusement, Matthieu Tarot, producteur du film Arès réalisé par Jean-Patrick Benes, qui sort ce mercredi 23 novembre au cinéma, a raisonné différemment. Avec des effets spéciaux bluffants et une série d'astuces pour limiter les coûts, ce producteur imaginatif a réussi à faire un film qui n'est peut-être pas le chef-d'œuvre de l'année mais qui devrait largement séduire les fans de «scifi». Ici, la place de la Concorde est transformée en jungle de Calais. 

Nous sommes en 2035, c'est l'apocalypse. Et le pire, c'est qu'on y croit.

Précédé d'un bon bouche-à-oreille, Arès arrive sur les écrans après Les Animaux Fantastiques et avant le tsunami de Rogue One, le prochain Star Wars. Financièrement, les comptes sont au vert. Malgré ses scènes spectaculaires dans un Paris futuriste décrépi, Arès n'a coûté que 4 millions d'euros soit le prix d'un film d'auteur indépendant. Vendue dans le monde entier, cette pépite a déjà rapporté près d'un million d'euros. Au box-office, Arès doit atteindre un minimum de 100.000 entrées, ce qui est relativement peu. Comme beaucoup films de genres, il devrait ensuite connaître une seconde vie en V.O.D.

Je voulais prouver qu'on pouvait faire de la science-fiction 100% française.» Matthieu Tarot

Pour arriver à un tel résultat, Matthieu Tarot a imposé aux scénaristes de «faire différemment: «Je ne voulais pas courir derrière Hollywood. Se fixer une contrainte budgétaire tout en filmant des images qui aient de l'allure, c'est un challenge artistique qui oblige à être très créatif.»

Pour 4 millions d'euros quand Hunger Games en coûte 120 millions de dollars et au moins autant en marketing, Arès aurait pu être tourné dans les pays de l'Est. Cette solution de facilité à laquelle cèdent beaucoup de producteurs dès que survient une difficulté, Matthieu Tarot n'en voulait pas: «Je voulais prouver qu'on pouvait faire de la science-fiction 100% française.»

La première idée géniale a été de partir tourner caméra à l'épaule en Ukraine au moment de l'invasion russe. Les images d'apocalypse, d'un monde qui s'écroule, les soupes populaires, les gens sous les tentes près de la Tour Eiffel viennent de là.

Le tournage juste avec un preneur de son et un cameraman a duré huit jours avant que l'équipe ne soit obligée de rentrer en France à cause des snipers affiliés à Moscou: «On nous a dit un matin de mettre des gilets pare-balles et des casques, se souvient Tarot. Le jeu n'en valait pas la chandelle.» Une fois à Paris, l'équipe a confié ses 150 heures de rush au grand spécialiste des effets spéciaux Alain Carsoux. Celui-ci a superposé les images sur un Paris vide. Bingo: à l'écran, on ne devine rien de la supercherie.
Essais filmés avec un iPhone depuis une chambre d'hôtel

L'autre trouvaille a été de miser sur des acteurs plein de bonne volonté et pas trop cher. Tarot qui sortait du triomphe de l'Hermine avec la danoise Sidse Babett Knudsen a aussitôt pensé confier le rôle du héros à un acteur nordique. Un agent lui recommande Ola Rapace. Très connu en Scandinavie, l'ex époux de Noomi Rapace, parle un peu le français après avoir joué il y a longtemps dans un groupe de rock près de Montpellier.

Sans chichi, il accepte de passer des essais en se filmant avec son iPhone depuis une chambre d'hôtel à Malmö au sud de la Suède. Matthieu Tarot et son équipe visionnent en parallèle les extraits de Skyfall où Ola Rapace jouait un méchant. L'affaire est vite pliée.

Troisième bonne idée: s'allier avec le grand spécialiste des films de divertissements, Louis Leterrier. Passé par l'école Luc Besson, le réalisateur français a la confiance des studios à Hollywood. Depuis Los Angeles où il habite, le cinéaste a validé les décors, le casting, surveillé le montage et aidé d'une façon générale, Matthieu Tarot à prendre toutes les décisions importantes. Le montage serré, plein de rythme notamment des vingt premières minutes vient de là.

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