01 février 2017

Californie, de l’“État-sanctuaire” à la sécession ?


La législature de la Californie examine depuis hier une proposition de loi qui ferait d’elle un “État-sanctuaire” pour ce qui est de la question de l’émigration, refusant officiellement la législation fédérale en train d’être mise en place par l’administration Trump. Cela implique la mise en place d’une véritable “frontière” entre la Californie et le reste des USA, traçant symboliquement un premier acte fondamental sur une route dont le terme pourrait être la sécession... Cette question (la sécession de la Californie) n’est plus une question exotique qui fait sourire les experts postmodernes du bloc-BAO vous assurant de la solidité structurelle des Etats-Unis ; c’est désormais une affaire très sérieuse qui possède sa propre dynamique, entérinée sinon accélérée par les autorités officielles californiennes. Voici quelques indications de ZeroHedge.com du 31 janvier :

« We've written frequently in recent weeks/months about the brewing battle between the Trump administration and so-called "sanctuary cities" where local police officers are specifically instructed to ignore federal immigration laws. Now, the leftist state of California is considering a new senate bill that would have the entire state become America's first “sanctuary state.”

» According to CBS Los Angeles, Senate Bill 54, written by Senate President Pro Tem Kevin de Leon of Los Angeles, will come to the floor for it's first public hearing today. While Democrat-controlled cities like Los Angeles, San Francisco and Sacramento are already considered sanctuary cities, SB54 would enforce the same protections for illegal immigrants on more conservative California cities in the San Joaquin Valley and elsewhere. As if that weren't enough, CBS points out that the bill will also consider providing taxpayer dollars to fund lawyers for illegal immigrants facing deportation.

» “California may prohibit local law enforcement from cooperating with federal immigration authorities, creating a border-to-border sanctuary in the nation’s largest state as legislative Democrats ramp up their efforts to battle President Donald Trump’s migration policies... ” »


Cette décision suit celle de ces mêmes autorités californiennes d’autoriser la considération officielle de la proposition de référendum sur l’indépendance de la Californie. En effet, la législature de l’État de Californie, sous la forme d’une décision du secrétaire d’État de Californie Alex Padilla, vient d’autoriser (le 27 janvier) l’introduction d’une proposition de référendum pour la sécession de la Californie, lors des élections de novembre 2018, qui impliquerait la tenue d’une telle consultation populaire pour mai 2019. Le mouvement “Yes California”, dont le leader est Louis Marinelli qui, curieusement, vit en Russie, a 180 jours jusqu’au 25 juillet 2017 pour réunir les signatures de 585.407 votants enregistrés, soit 8% des votants inscrits, pour que sa proposition soit acceptée et effectivement soumises aux électeurs en novembre 2018.

(Bien qu’il s’agira, pour les électeurs, de voter sur la tenue d’un référendum sur la sécession, et non de voter sur la sécession, le débat autour de cette question est d’ores et déjà animé. On sait qu’un sondage publié le 24 janvier a montré que les partisans de la sécession sont en très nette augmentation par rapport au sondage similaire de 2014 : de 20% à 32%. Cette augmentation est pour l’essentiel le résultat d’une évolution accélérée depuis l’élection de Trump avec le positionnement anti-trumpiste radical des autorités de l’État qui s’en est suivi.)

Cette affaire californienne est véritablement, à la fois explosive et ambiguë. La question de la “sanctuarité” (refus des lois fédérales sur l’immigration) était jusqu’ici posée au niveau des villes, ce qui empêchait que l’on put la considérer comme réellement porteuse d’une logique de sécession ; à l’échelle d’un État, et surtout de la Californie, excentrée, très puissante, disposant d’un rapport entre l’apport financier fédéral et sa propre contribution au trésor fédéral qui l’encourage à l’indépendance (la Californie donne plus à Washington D.C. qu’elle ne reçoit de Washington D.C.) et manifestant une position politique anti-Trump extrémiste, une telle décision (la sanctuarisation de l’État) serait absolument explosive, surtout dans le climat actuel. Il y aurait une véritable dynamique officialisée, politique, psychologique, etc., pour faire effectivement de la Californie ces “USA anti-Trump” dont nous parlons, d’autant qu’à côté du poids des latinos, on trouve l’attitude politique radicale de type hypergauche (hypergauchisme-chic) et globaliste dans les deux principaux centre de puissance californiens que sont Hollywood et Silicon Valley.

L’état d’esprit serait alors exonéré de la culpabilité de la sécession, très forte dans cette fraction du Système qui s’estime bien entendu héritière de Lincoln et de son simulacre-libérateur que fut sa politique pendant la Guerre de Sécession. Cette fraction du Système qui personnifie si complètement l’alliance globaliste hypergauche-hypercapitalisme pourrait s’exprimer par un discours de cette sorte, fleuri des références habituelles : “Nous ne faisons pas sécession, nous ne brisons pas la mystique fondatrice des USA ; nous devenons les vrais USA, contre l’imposteur et antiSystème Trump dont le but est la destruction des vrais USA par perversion des valeurs de cette sublime aventure...”

La situation californienne est d’une considérable importance dans la crise centrale de l’américanisme, mais elle est aussi d’une extrême complexité dans les rapports des forces en présence et dans leurs véritables significations. C’est aussi bien un nœud gordien de la crise qu’une application complète de la situation dite des “chaises-musicales”. On s’en aperçoit lorsqu’on fait le décompte des forces en présence et de leurs positions fondamentales, d’où l’on comprend que nombre d’alliances sont de pure circonstance et possèdent des germes d’affrontements divers.

• Les autorités officielles de la Californie constituent une énorme majorité démocrate dans la direction de l’État et elles forment par l’entraînement de la dynamique en cours l’extrême-gauche idéologique (progressiste-sociétale) du parti. Il n’est pas assuré qu’elle soit suivie complètement par le parti démocrate au niveau national et elles tendent de plus en plus à s’appuyer sur deux forces de soutien qui sont spécifiquement californiennes : d’une part les “minorités” (les guillemets sont nécessaires parce qu’il n’y a plus que des “minorités” en Californie), essentiellement les Latinos, éventuellement les Africains-Américains, mais aussi les minorités asiatiques qui peuvent se tourner vers leurs terres d’origine ; d’autre part, les centres de forces financiers et industriels, dominés par Hollywood et Silicon Valley.

• Les Latinos, et plus généralement les Hispaniques, constituent la première force démographique de la Californie (ils ont dépassé la “minorité” blanche/WASP en 2014). Ils sont effectivement tentés par la sécession/l’indépendance et soutiennent la direction californienne actuelle. Mais ils tendent à diverger d’un point de vue idéologique, car leur quête est de type identitaire (Mexique) et s’oppose frontalement à l’idéologie progressiste-sociale en ceci que cette idéologie globaliste rejette absolument la démarche identitaire. C’est une ironie révélatrice et accidentellement (?) symbolique que le leader du mouvement sécessionniste qui a lancé l’idée d’un référendum, Louis Marinelli, d’origine hispanique, partage son temps entre la Californie et la Russie : parce que sa femme, qui est Russe, n’a pas obtenu de visa pour les États-Unis et réside en Russie. Ainsi Marinelli a-t-il ouvert une “ambassade de la République de Californie” à Moscou, ce qui établit de facto des liens entre Latinos sécessionnistes californiens qui sont identitaires, et la Russie. Cela rejoint étrangement, ou bien selon une logique supérieure, une cohérence idéologique : la Russie détestée du Système est, de facto elle aussi, la référence des identitaires et des anti-globalistes.

• Comme le veut la tendance hypergauche, Hollywood et Silicon Valley font partie du Système, ils en sont même une partie du cœur du Système. Leur soutien aux démocrates a certainement une assise idéologique mais leur alliance de facto avec les Latinos en Californie est complètement contradictoire sur le fond. Elle est promise à des mésententes et des affrontements considérables. Dans tous les cas, ces nouvelles puissances, assises autant sur la communication, l’entertainment et le technologisme, sont extrêmement instables et imprévisibles dans leurs engagements et trouvent difficilement une cohérence durable dans des arrangements avec des forces de tendances plutôt “passéistes”, ou principielles, comme pourrait l’être la dynamique latinos animée par son intérêt pour ses origines identitaires.

• Face à cette Californie, l’administration Trump. Paradoxalement, la dynamique en cours, si elle pousse la politique-Trump contre le globalisme de l’hypergauche, la rapproche du courant identitaire auquel les Latinos sont si sensibles ; pour autant, bien entendu, l’administration Trump reste extrêmement capitaliste, si pas hypercapitaliste dans le sens du globalisme, mais sans le globalisme. D’autre part, elle représente un recours pour certains ilots de conservatisme en Californie, essentiellement le Comté d’Orange (Orange County), qui compte un peu plus de 3 millions d’habitants, et où les Blancs/WASP sont proches de la majorité absolue (44%) et dépassent les Latinos (37%). Il est logiquement envisageable qu’en cas de sécession de l’État, le Comté d’Orange s’engagerait lui-même sur une voie sécessionniste ou approchant par rapport à une Californie indépendante.

Comme on le voit, la sécession est loin d’être une panacée ni une formule garantissant de résoudre d’antagonisme actuel. Au contraire, elle contient en elle-même des germes de nouveaux désordres, et ces désordres apparaîtront à mesure que la crise s’amplifiera et que la possibilité d’une sécession se concrétisera. Là aussi, comme dans tous les territoires politiques et psychologiques où la crise fait sentir ses effets, joue à plein cette manifestation d’une communication à la puissance exacerbée, où le “présent bloqué” donne les effets des événements envisagés avant qu’ils aient lieu...

En effet, nous évoluons de plus en plus avec dans l’esprit que la sécession de la Californie devient un facteur qui tendrait à être presque irréversible alors que nous ne sommes qu’au début 2017 et que le calendrier envisagé, si tout se déroulait dans le sens sécessionniste, nous renvoie en mai 2019. Imagine-t-on, dans le champ de la communication furieuse que nous connaissons aujourd’hui, le nombre d’événements virtuels qui vont être envisagés d’ici là, puis tenus pour acquis, puis faisant donner eux-mêmes leurs effets ? Imagine-t-on les formidables bouleversements de la psychologie concernant une possibilité qui devient presque comme une “normalité banale” dans le champ des prévisions, alors que le seul mot de “sécession” était, il y a encore un ou deux ans, une sorte de tabou intransgressible de la pensée-Système ?

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