09 décembre 2016

Condamnations pour fraude fiscale : du passé...

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Avec la loi Sapin 2, des centaines de dossiers vont être dépaysés vers Paris et vider les juridictions françaises d'un contentieux dont la résolution repose en grande partie sur la connaissance du terrain.

Sans crier gare, la loi Sapin 2, qui sera promulguée le 12 décembre prochain, accorde les pleins pouvoirs au Parquet national financier, en matière de justice financière. Eliane Houlette et sa petite équipe d'une vingtaine de magistrats à peine vont être saisis en exclusivité du contentieux de la fraude fiscale aggravée. Jusque-là, le Parquet national financier n'avait de compétence exclusive qu'en matière de délit boursier et une compétence concurrente avec les autres juridictions pour le reste du contentieux financier. C'est grâce à leur lobbying intensif auprès des parlementaires qu'ils ont obtenu l'élargissement de leur pouvoirs.

Des centaines de dossiers jusque-là traités par les grandes juridictions de province et les huit juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS) - regroupant des magistrats du parquet et de l'instruction et qui sont spécialisés en matière de criminalité organisée, de délinquance financière mais aussi pour les affaires où la complexité justifie des investigations importantes - , vont être du jour au lendemain transférés à Paris, sans aucune mesure transitoire. Toutes les enquêtes en cours - auditions, perquisitions, écoutes, confrontations - seront suspendues sous peine de nullité et les juges d'instruction travaillant sur ces dossiers, toujours complexes, au long cours et souvent liés à d'autres infractions comme l'escroquerie, le trafic de stupéfiants ou d'armes vont devoir se dessaisir immédiatement au profit de la juridiction parisiennne.

Aucune disposition pour renforcer le parquet national financier

Aucune étude d'impact n'a été réalisée, aucune disposition prise pour renforcer le Parquet national financier en termes d'effectifs ou pour s'assurer de son efficacité. Au point que Robert Gelli, le directeur de la Direction des affaires criminelles et des grâces s'est fendu le 29 novembre d'une dépêche à toutes les juridictions de France avertissant pour un droit d'inventaire, avant la promulgation de la loi le 12 décembre prochain.

De quoi affoler les magistrats, dont les plus hauts représentants - les Conférences nationales des premiers présidents et des procureurs généraux - ont demandé, via une motion le 3 décembre dernier, un rééxamen de l'opportunité comme des incidences de cette disposition.

Cette inquiétude est partagée par le député Les Républicains du Val d'Oise, Philippe Houillon, bon connaisseur des questions de justice, qui estime: «Non seulement on fragilise les procédures en cours mais il y a peu de chance que le Parquet financier, qui traite actuellement 358 dossiers à moins d'une vingtaine de magistrats soit capable d'absorber le flux qui se prépare».

Secrétaire national à la justice chez Les Républicains, le député du Rhône, Georges Fenech, dénonce, pour sa part, une «énorme bévue, si énorme que l'on peut s'interroger sur les arrière-pensées politiques d'une telle opération.» Selon lui, «l'opposition parlementaire n'a rien vu venir car cette loi Sapin était un véritable fourre-tout.» Cet ancien magistrat considère que «ces dispositions pourraient bien tuer les juridictions spécialisées de province».

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