21 octobre 2016

Pourquoi l’Union européenne est condamnée à disparaitre...

Nous sommes habitués à observer les troubles de l’Europe dans un contexte purement financier. C’est une erreur grossière, parce qu’une telle attitude passe à côté des véritables raisons pour lesquelles l’Union européenne va échouer et ne survivra pas à la prochaine crise financière.

Nous survivons habituellement les crises financières grâce aux actions des banques centrales en tant que prêteurs de dernier recours. En revanche, les origines et la construction de l’euro et de l’Union européenne nous assurent une crise financière au cours de ces prochains mois, qui excèdera les capacités de la Banque centrale européenne à venir en aide au système.

Nous devons nous rappeler que l’Union européenne était à l’origine une création des politiques étrangères d’après-guerre des Etats-Unis. La priorité était d’établir une zone tampon contre la marche du communisme soviétique. C’est à cette fin que les trois éléments de la politique de création de l’Europe ont été établis. Il y a d’abord eu le Plan Marshall, qui à compter de 1948 a versé des fonds afin d’aider à la reconstruction des infrastructures européennes. L’OTAN a été créé en 1949 afin d’assurer aux troupes américaines et britanniques des bases permanentes en Allemagne. Finalement, une organisation sponsorisée par la CIA, le Comité américain pour l’union de l’Europe, a été établi pour promouvoir une union politique en Europe.

Il ne s’est absolument pas agi d’un développement naturel européen. Mais à la fin de la guerre, le concept d’union politique, initialement baptisé Communauté européenne du charbon et de l’acier, est devenu réalité au travers de la signature du Traité de Paris en 1951 par la France, l’Allemagne de l’Ouest, la Belgique, le Luxembourg et l’Italie. La CECA s’est peu à peu transformée en l’Union européenne actuelle, avec ses 21 membres additionnels, à l’exclusion du Royaume-Uni qui a désormais décidé de la quitter.

Avec le maintien de leurs caractéristiques nationales par ses pays fondateurs, l’Union européenne ressemble à un porte-manteau politique, un assemblage de genres. Tous ses composants ont préservé leurs caractéristiques distinctes. Après 65 ans, un Français est encore un fervent nationaliste. Les Allemands demeurent caractéristiquement Allemands, et les Italiens sont restés délicieusement Italiens. La Belgique est souvent perçue comme une non-entité nationale, et reste encore divisée entre les Wallons et les Flamands. En tant qu’organisation, l’Union européenne manque d’une identité nationale, et donc de cohésion politique.

C’est la raison pour laquelle la Commission européenne de Bruxelles a de grandes difficultés à s’affirmer. Mais elle a un problème plus insurmontable encore, qui est son absence d’autorité démocratique. Le Parlement européen a été établi pour être une institution édentée, qui ne trompe que les plus ignorants. Parce que le pouvoir réside encore entre les mains d’une cabale d’Etat-nations, les superpuissances nationales ne font que coopérer avec la bureaucratie de Bruxelles.

Les relations entre les chefs d’Etat nationaux et la Commission européenne ont délibérément été établies au fil du temps, dans le sens où un déclin de souveraineté a été utilisé pour subordonner graduellement les autres membres de l’Union européenne à la ligne franco-allemande. La logique derrière tout cela était de faire de la région européenne une zone de protection des intérêts commerciaux franco-allemands, et de protéger ces derniers du marché libre. Il n’a pas été facile de parvenir à un compromis. Depuis la seconde guerre mondiale, la France s’est montrée extrêmement protectionniste quant à sa culture, et a toujours cherché à ce que les Français n’achètent que des produits français. Le succès de l’Allemagne a pris racine dans son épargne, qui a encouragé des investissements industriels et soutenu les exportations. Ces deux nations à la frontière commune ont encore aujourd’hui des valeurs très différentes, mais sont parvenues à concevoir et à établir une Banque centrale européenne ainsi que l’euro. En Allemagne, les défenseurs de la monnaie saine de la Bundesbank ont perdu la bataille face aux intérêts industriels, qui cherchaient à profiter d’une devise plus faible. Ces intérêts correspondaient aux préférences politiques du moment, et c’est la classe politique qui contrôlait les relations du pays avec la France. En France, les intégrationnistes avaient, encore une fois, vaincu les industrialistes qui cherchaient à protéger leurs marchés nationaux face à la compétition allemande.

La première fois qu’une devise commune a été mentionnée, deux problèmes éventuels ont été ignorés. Le premier était la manière dont de nouveaux pays désireux d’adopter l’euro pourraient s’adapter à la perte de leurs devises nationales, et le deuxième était la capacité du Royaume-Uni, avec sa culture de marché anglo-saxonne, à s’adapter au modèle européen. Il ne s’est pas passé beaucoup de temps avant que ce deuxième problème se fasse ressentir, ce qui a mené au retrait de la livre sterling du mécanisme des changes, l’ancêtre de l’euro, en septembre 1992.

L’euro est éventuellement né au tournant du siècle. Le compromis franco-allemand a mené à la nomination d’un Français, Jean-Claude Trichet, au poste de président de la BCE. Tout se passait alors pour le mieux, parce que l’abandon des devises nationales et l’adoption graduelle de l’euro ont fait que les Etats de la zone euro étaient capables d’emprunter en euros pour bien moins cher que dans leurs devises nationales.

Les risques relatifs aux obligations étaient mesurés contre les obligations allemandes, qui avaient les plus faibles rendements de toute l’Europe. Il ne s’est pas écoulé beaucoup de temps avant que l’écart entre les obligations allemandes et les autres dettes européennes soient perçues comme des opportunités profitables, plutôt que comme le reflet d’un risque relatif. Les banques européennes, les compagnies d’assurance et les fonds de pension ont tous tiré profit de la hausse substantielle des prix des obligations émises par les membres de périphérie de l’Union européenne, et ont investi en conséquence. A leur tour, ces emprunteurs ont fait tout leur possible pour satisfaire cette demande en émettant d’énormes quantités de dette, ce qui constituait une violation du Traité de Maastricht. Le crédit bancaire s’est aussi élargi.

Le mécanisme de contrôle de cette explosion de l’emprunt était supposé être le Pacte de stabilisation des chances et de croissance, signé à Maastricht en 1993. Ce pacte a établi cinq règles, dont deux nous posent problème aujourd’hui. Les Etats membres étaient obligés de conserver leurs déficits budgétaires nationaux en-dessous de 3% de leur PIB, et la dette des gouvernements nationaux était limitée à 60% de leur PIB. Ni l’Allemagne ni la France ne satisfaisaient ces critères, et la seule raison pour laquelle leurs déficits ont pu entrer dans le champ d’application du pacte a été la combinaison d’une comptabilité douteuse et du timing fortuit des cycles économiques. Le mécanisme de contrôle n’a jamais été imposé.

Dès le départ, aucune nation n’avait de sentiment de responsabilité envers la nouvelle devise. Les règles en ont été ignorées, et l’euro est devenu un véritable fardeau pour tous les gouvernements membres, ce qui a été mis en lumière par la faillite de la Grèce.

Le système bancaire de la zone euro, qui incorpore la banque centrale et la BCE, a développé un étrange système de règlements baptisé TARGET, devenu un moyen pour les nations membres d’acheter des produits allemands à crédit. Une très bonne chose pour l’Allemagne, le souci étant que ce crédit était lui-même fourni par l’Allemagne. Ce serait un peu comme prêter de l’argent à un acheteur de votre entreprise. Une transaction truquée. Ce défaut du système a désormais pris la forme d’un volcan grondant, prêt à entrer en éruption à tout moment.

Les Allemands veulent désormais récupérer leur argent, et ne souhaitent pas voir de dettes annulées. Mais leurs débiteurs ne peuvent plus payer, et ont besoin d’emprunter de l’argent juste pour survire. Aucun des deux camps de souhaite regarder la réalité en face. Tout a commencé avec l’Irlande, puis Chypre, et enfin la Grèce et le Portugal. Ce sont là les créditeurs les moins importants, que l’Allemagne, avec l’aide de son Ministre des Finances, Wolfgang Schaübe, a écrasé jusqu’à la soumission. Ils sont désormais devenus des zombies économiques. Le vrai problème apparaît maintenant en Italie, qui s’effondre elle-aussi, avec un ratio dette/PIB estimé à plus de 133%. Si l’Italie s’écroule, alors l’Espagne en fera de même, puis la France. Herr Schaübe ne pourra pas forcer aussi facilement ces créditeurs à se mettre à genoux, parce qu’à ce stade, le système bancaire de la zone euro sera en grande difficulté, tout comme le gouvernement allemand. Les épargnants allemands prennent graduellement conscience qu’ils auront personnellement à payer la facture.

La première ligne de défense, comme toujours, sera d’avoir recours à la BCE en tant que prêteur de dernier recours pour maintenir les banques à flots. La seule manière dont cette dernière pourra y parvenir sera d’accélérer ses impressions monétaires et de monopoliser les marchés européens de la dette. Que la BCE puisse ou non maintenir sa devise en place avec toutes ces obligations sur ses bilans reste encore à voir.

Pour l’heure, l’euro se tient là tel un Goliath, semblant presqu’invincible. Il représente l’antithèse de l’établissement européen du marché libre, que personne n’a jamais osé remettre en cause. C’est certainement l’une des raisons pour lesquelles la BCE peut aujourd’hui imposer des taux d’intérêt négatifs. Mais des fissures se creusent. Il y a d’abord eu Brexit, et de plus petits pays chercheront bientôt eux-aussi à avancer vers la porte de sortie. La crise bancaire italienne devrait bientôt se faire ressentir, et le référendum italien sur la constitution qui aura lieu le mois prochain sera aussi un obstacle majeur à franchir. Les politiciens paniquent, et tentent de rassurer tout le monde en expliquant qu’il n’existe rien que plus d’intégration et une plus grosse armée ne pourraient pas régler.

L’effet du marché, si nous laissons de côté le terrible choc qui se fera ressentir, se fera en deux parties. D’abord, les flux internationaux verront l’euro vendu en faveur du dollar. Compte tenu du poids de l’euro dans l’indice du dollar, les répercussions en seront lourdes sur tous les marchés des devises. Deuxièmement, les résidents de la zone euro qui disposent de comptes en banque voudront trouver refuge sur l’or physique, un signe de l’effondrement imminent de leur devise. Ils n’auront nulle part ailleurs où aller se protéger.

Peu importe sous quel angle vous observez la situation, il est de plus en plus difficile d’accepter une conclusion autre qu’un effondrement complet de cette construction politique mal-fondée, originellement promue par une organisation sponsorisée par la CIA pour défendre les intérêts des Etats-Unis. L’euro, qui est dépendant de la cohésion sociale plutôt que de la demande du marché, cessera d’être une monnaie, et ce assez rapidement.

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