08 septembre 2016

De l’argent gratuit pour tous, mais pas pour les consommateurs


Une dette des consommateurs porteuse de taux négatifs serait une « perversion ».

Je ne suis pas certain qu’Ewald Nowotny, membre du Conseil de direction de la BCE et gouverneur de la Banque nationale autrichienne, et moi-même ayons une quelconque opinion commune en matière de politique monétaire. Mais aujourd’hui, il a dit quelque chose que je pense être empli de vérité – et porteur d’une expression parfaite de l’hypocrisie des banques centrales et de ceux qui les dirigent.

Son discours, prononcé aujourd’hui à l’occasion du Forum Alpbach, en Suisse, était intitulé Politiques de faibles taux d’intérêt : de l’argent gratuit pour tous, et un Salut en situation d’urgence.

Une question rhétorique, à laquelle il a ensuite répondu avec la plus grande clarté : l’argent gratuit, ou pire encore, la monnaie porteuse de taux d’intérêt négatifs, n’est pas accessible à tous. Seuls les gouvernements et les corporations en bénéficient. Pas les consommateurs.

A dire vrai, a-t-il expliqué à ceux qui attendent impatiemment des prêts immobiliers à taux négatifs afin d’être rémunérés chaque mois pour avoir emprunté trop d’argent pour acheter une propriété grossièrement surévaluée, une dette des consommateurs porteuse de taux d’intérêt négatifs serait une « perversion ». Même la Suisse, qui a les taux d’intérêt les plus négatifs du monde, n’irait pas aussi loin.

« Il serait une perversion économique pour les taux applicables au crédit de devenir négatifs. Ils iraient à l’encontre de la nature économique du prêt, » a-t-il expliqué.

Et je suis d’accord. Les taux d’intérêt négatifs, ou les rendements négatifs, vont à l’encontre de la nature économique de la dette. Les rendements négatifs de la dette sont une absurdité qui n’existe que parce que les banques centrales les ont imposés à leurs baillages.

« En Suisse, c’est une possibilité qui a déjà été rejetée depuis longtemps. Aujourd’hui, elle se trouve rejetée par l’Autriche. » C’est donc formel. Les consommateurs resteront à l’écart du bénéfice des emprunts à taux négatifs, et ne seront donc pas rémunérés pour emprunter. Oubliez les prêts immobiliers porteurs de taux négatifs.

Mais voici où se trouve l’hypocrisie : grâce aux politiques de terre brûlée des banques centrales, les gouvernements d’Europe et du Japon ont pu emprunter à taux négatif pendant un certain temps déjà, et une quantité toujours plus importante de dette gouvernementale est porteuse de rendements négatifs.

Benoît Cœuré, lui aussi membre du Conseil de direction de la BCE, nous a présenté ce graphique qui démontre de l’absurdité des taux négatifs. La Suisse se trouve tout en haut avec ses obligations à trente ans, et le Japon et l’Allemagne arrivent ensuite avec leurs obligations à dix ans. Au total, près de 12 trillions de dollars de dette gouvernementale sont porteurs de rendements négatifs :

 

Au mois de juillet, l’Allemagne a vendu 4 milliards d’euros d’obligations à dix ans à un prix supérieur à leur valeur nominale et à taux zéro. Ce qui garantit que les investisseurs, tels que les fonds de pension qui achètent ces obligations, ne recevront jamais de versements d’intérêts. Et s’ils conservent ces obligations jusqu’à leur maturité, ils enregistreront une perte de capital – sans compter les pertes générées par l’inflation sur la période.

Les corporations, à l’inclusion des corporations américaines qui ont des succursales en zone euro, empruntent à taux négatif en vendant des obligations d’entreprise, parfois directement à la BCE au travers de placements privés. Nul besoin de marché. Selon Bloomberg, il existait en juillet 500 milliards de dollars d’obligations d’entreprise porteuses d’intérêts négatifs. Et ce chiffre continue de gonfler.

Les banques centrales ont forcé ce genre de répression financière sur les investisseurs afin qu’ils perdent de l’argent non seulement à cause de l’inflation mais aussi en termes nominaux lorsqu’ils investissent sur ce qu’ils considèrent être de la dette de haute qualité. Pour enregistrer des rendements, il leur faut prendre de très gros risques.

Les banques centrales ont fait de la répression leur politique. Le capital des épargnants a été détruit il y a bien longtemps. Les fonds de pension seront les prochains à souffrir. La répression financière est discriminatoire pour ceux qui se trouvent de l’ « autre côté ». Aujourd’hui, les consommateurs qui souffrent des politiques des banques centrales cherchent à profiter des mêmes absurdités et perversions que les corporations et gouvernements. Et comme l’a dit Nowotny, les banques centrales feront tout leur possible pour que cela ne se produise pas. L’accès aux bénéfices de ces absurdités est limité à un groupe très restreint.

Au Japon, ces politiques se font de plus en plus perverses. Les deux plus gros acheteurs de Japan Inc volent désormais sans plus aucune visibilité. Lisez ceci : QE, End of the Private Sector? Japanese Government Now Largest Shareholder of 474 Big Companies

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