12 février 2016

A400M : 10 ans de retard, surcoûts de 6 milliards d'euros et ce n'est pas fini...

A400M enlisé sur terrain sommaire...
 
Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, l'organisme du ministère de la Défense (DGA) qui passe les commandes d'équipement pour les armées françaises, ne cache pas son scepticisme quand il évoque l'avion de transport militaire développé par Airbus Defense & Space. « Le ministre (Jean-Yves Le Drian, NDLR) veut six A400M au standard tactique fin 2016. On verra le résultat… », explique-t-il en annonçant un premier appareil « acceptable » fin mars. Outre les surcoûts de l'ordre de 6 milliards d'euros, le programme européen affiche une dizaine d'années de retard. Elles sont dues à l'avionneur et au motoriste qui ont sous-estimé les développements, mais aussi aux choix versatiles des armées utilisatrices et aux aléas budgétaires. « Il n'y a pas une seconde de retard quand il s'agit des avions Dassault ou des véhicules Nexter », compare Collet-Billon lors du bilan 2015 de la DGA.

Aujourd'hui, que sait faire l'A400M ? À la satisfaction de l'armée de l'air française, les huit appareils en service, basés à Orléans, remplissent leurs missions de transport stratégique. Ils peuvent déployer des troupes et du matériel à longue distance en utilisant des bases en dehors des zones directes de conflit. Ou encore, assurer des missions humanitaires. L'A400M vole vite grâce à ses quatre moteurs de 11 600 chevaux, les plus gros moteurs occidentaux, presque à la vitesse d'un avion de ligne civil. Une mission qui demande une semaine avec des Transall C-160 prend deux jours en A400M. C'est très apprécié, notamment sur les théâtres extérieurs comme au Mali. Mais, en gros, l'avion de transport militaire n'assure aujourd'hui guère plus que les vols des Boeing 747 cargo qu'Air France a mis à la retraite. Ils transportaient aussi des palettes, des véhicules ou des hélicoptères. 
 
Les parachutistes entrent en collision dans les turbulences des moteurs !

Le ministère de la Défense exige, selon le cahier des charges, que l'A400M soit opérationnel au cœur des zones de conflit. En venant d'Orléans ou d'Istres, il doit pouvoir décharger le contenu de sa soute à Tombouctou ou sur une piste sommaire de l'Adrar des Ifoghas. S'il sait atterrir court, il doit aussi disposer d'autoprotection. Du blindage autour du cockpit et des zones sensibles de l'avion est prévu contre les armes légères. Plus complexes à mettre en œuvre sont les leurres électromagnétiques et pyrotechniques qui doivent dévier les missiles tirés à basse altitude par des équipements portables (Manpad) qui foisonnent chez les rebelles. Cette capacité tactique fait partie des objectifs 2016.

Ce que l'A400M saura faire à terme, toujours dans le domaine tactique, c'est l'aérolargage. Des charges peuvent déjà être larguées par la porte arrière ainsi que des parachutistes. Mais il n'est pas possible actuellement de faire sauter l'un derrière l'autre les 116 hommes prévus par les 2 portes latérales du fuselage, pour qu'ils arrivent assez groupés au sol. Le souffle des hélices à huit pales est tel que les parachutistes convergent après avoir passé la queue de l'avion et entrent en collision… Une solution est en vue faisant appel à des volets modifiant le flux d'air de manière asymétrique. 
 
Quatre Hercules C130 commandés aux États-Unis

Ces contraintes aérodynamiques liées aux moteurs surpuissants n'ont pas toutes été évaluées lors de la conception avec des études en soufflerie par un bureau d'études d'avions surtout civils, peu habitué à faire descendre des passagers en vol. Les turbulences derrière l'A400M sont telles que la situation est intenable pour un hélicoptère lourd comme le Caracal qui souhaiterait ravitailler en vol. Cette mission à laquelle Airbus Defense & Space ne renonce pas a été jugée tellement hypothétique par les experts gouvernementaux de la DGA que la France vient de commander aux États-Unis quatre Hercules C130 dont deux seront capables de ravitailler des hélicoptères en vol. Une capacité essentielle pour les opérations spéciales lointaines ou pour aller récupérer un pilote qui s'est éjecté d'un avion.

Les armées de l'air étrangères ne sont pas mieux loties. Les Anglais, par exemple, ont décidé d'équiper eux-mêmes les A400M d'autoprotection sans attendre l'offre d'Airbus. Quant aux Allemands, ils ont dû renoncer définitivement au suivi de terrain automatique en vol à basse altitude à partir d'une base de données cartographiques.
 
 
 

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