29 octobre 2014

Le guignol de l’Élysée

J’ai fait un rêve, et dans ce rêve François Hollande s’adressait aux Français à l’heure du prime time, puisque c’est ainsi que l’on désigne, dans la langue courante, le moment solennel où nous sommes censés être les plus nombreux autour de la table familiale et devant le petit écran. Le président de la République, la mine sombre, le visage grave et la cravate bleue, leur tenait à peu près ce langage :

« Mes chers compatriotes,

« Les traités que mes prédécesseurs ont négociés, le pacte que j’ai ratifié, les engagements que j’ai pris nous contraignent à appliquer des règles que nous avons acceptées. Comme vous l’aviez compris, comme je me suis longtemps évertué à le nier, le gouvernement français n’est plus maître de son budget. Nous avons sacrifié notre indépendance sur l’autel du fédéralisme européen. Les sacrifices qui nous sont demandés sont cruels, ils ne sont rien à côté de ceux qui sont à venir, mais je crois que c’est à ce prix que nous viendrons à bout de nos déficits structurels, que nous réduirons peu à peu notre dette, et surtout que nous obtiendrons le satisfecit de M. Juncker, l’approbation de M. Moscovici, le feu vert de la Commission de Bruxelles. J’ai résolu, quoi qu’il puisse m’en coûter, d’honorer la parole de la France, mais je ne ferai rien sans avoir d’abord sollicité et entendu votre avis. C’est pourquoi j’ai décidé de vous consulter par la voie du référendum… »

J’ai fait un autre rêve, et dans ce rêve François Hollande, assis derrière son bureau présidentiel, dans son fauteuil présidentiel, saisissait son stylo présidentiel et traçait sur son papier à en-tête présidentiel les premières lignes d’une lettre destinée à rester inscrite dans l’histoire :

« Monsieur le président de la Commission européenne,

« J’ai décidé de dénoncer les traits que mes prédécesseurs ont eu la faiblesse de signer et le pacte que j’ai eu la sottise de ratifier. Il est apparu à l’usage que ces accords qui aliènent l’indépendance de la France et qui nous contraignent depuis des années à mener une politique économique et sociale contraire au plus élémentaire bon sens ont produit et continuent de produire des résultats si désastreux que je ne saurais continuer à les appliquer sans forfaire à mon premier devoir, qui est évidemment de défendre les intérêts de mes compatriotes et de mon pays. Il nous appartiendra de définir au plus tôt les modalités et le calendrier de notre sortie de l’euro et de notre retrait de l’Union européenne, ce monstre dont le centre est partout, à Bruxelles, à Francfort, à Berlin, partout sauf à Paris. »

On peut toujours rêver. On peut, le temps d’un rêve, imaginer François Hollande courageux, patriote, déterminé, résolu à rendre à la France l’autonomie, la fierté et la prospérité perdues ou au contraire acquis corps et âme, lié par un pacte infernal, à la cause de la supranationalité et résigné à vendre ce qu’il nous reste d’indépendance Mais un tel personnage, capable de prendre un parti ferme et de s’y tenir, décidé à jouer franchement le jeu de la France ou le jeu de l’Union européenne s’appellerait-il encore François Hollande ?

Au lieu de quoi, le président de la République française avec autant de maladresse et aussi peu de conviction que le pitoyable Dom Juan pris au piège entre Charlotte et Mathurine, a dans le même temps gravement rappelé aux Français que c’est à Paris que se décide le budget de la France et qu’il n’est pas question de faire la moindre concession à on ne sait quelle autorité supranationale et demander à Michel Sapin de lui bricoler discrètement un joli petit paquet d’astuces comptables, de taxe nouvelles, de promesses d’économies de nature à apaiser Bruxelles. Moyennant quoi, il semble qu’il ait obtenu un nouveau délai et un dernier sursis avant la prochaine humiliation et l’ultime pirouette. Mais nous, malheureux spectateurs condamnés à assister au spectacle de notre déclin, et conviés de surcroît à applaudir, nous en avons assez de ce théâtre de Guignol qui se donne depuis trop longtemps à l’Élysée.

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