22 septembre 2014

Pourquoi la fuite vers les actions va mal se terminer

La cacophonie qui résonne à Wall Street depuis déjà six ans fait retentir à nos oreilles que depuis la mise en place des taux d’intérêts à zéro pourcent, rien ne vaut mieux pour placer notre épargne que le marché des actions. Pour beaucoup, il n’importe que très peu que le ratio de la capitalisation boursière totale par rapport au PIB, - soit de 125%-, soit de 15 pourcents supérieur à son niveau de 2007, son pourcentage le plus élevé depuis la bulle sur la technologie qui a marqué le début du siècle. Les rendements des dettes souveraines atteignent des records à la baisse sur toute la planète, et la stratégie employée par une majorité d’investisseurs est d’ignorer la croissance anémique de l’économie et de continuer d’investir leur argent sur le marché, simplement parce qu’il n’y a aucune autre alternative.

Mais l’épicentre du séisme qui se présente sur les marchés sera le marché des changes. Le dollar grimpe depuis mai du fait du consensus selon lequel la Fed devrait mettre fin au QE et autoriser une hausse des taux d’intérêts en 2015. Le Japon et l’Union européenne se dirigent dans une direction diamétralement opposée. La Banque du Japon a accéléré son programme de QE, et la BCE a annoncé la semaine dernière que son propre programme d’achat d’obligations commencerait en octobre. Le dollar a déjà gagné 5% sur le DXY depuis quatre mois, et une hausse continuelle de la valeur du dollar finira par causer du tort au chiffre d’affaire reporté par les corporations américaines. Cette force déflationniste est l’une des raisons pour lesquelles les prix des actions devront tôt ou tard traverser une phase de correction.

Mais ce qui est encore plus probable est de voir se développer un véritable renversement des fortunes établies en dollars. Comme je l’ai déjà dit auparavant, à Wall Street, presque tout le monde est convaincu que la Fed fera grimper les taux dès l’année prochaine. Et maintenant que la BCE et la Banque du Japon se sont lancées dans des programmes de QE, que peuvent-elles faire de plus pour dévaluer davantage leurs devises ? Avec des obligations sur dix ans qui rapportent seulement .93% en Allemagne et .50% au Japon, ces banques centrales peuvent-elles réellement continuer de nous faire croire que le taux d’emprunt demeure trop élevé pour laisser place à une croissance du PIB ?

Si une croissance robuste du PIB des Etats-Unis ne se manifeste pas cette année, comme elle a manqué de le faire depuis la fin de la Grande récession, le dollar subira de lourdes pressions. En réalité, le PIB réel n’est pas passé au-delà des 2,5% depuis 2006. Avec la fin de ses achats d’obligations par la Fed et un reste du monde au bord de la récession, il est difficile de s’imaginer que cette année marquera une exception à la règle – la croissance du PIB des Etats-Unis s’élève à 1% pour les six premiers mois de cette année.

Si le marché venait à s’imaginer que la Fed ne pourra pas redresser les taux d’intérêts l’année prochaine et pourrait être forcée de relancer son programme de QE en raison d’une paralysie de l’économie des Etats-Unis, un renversement du carry trade du yen se produirait inévitablement. Les institutions financières ont emprunté des yens à près de zéro pourcent et investi sur les marchés américains des actions et des obligations. Puisque les rendements sont plus élevés aux Etats-Unis et que la direction du yen ne peut aujourd’hui être qu’à la baisse au vu de l’intervention continue de la Banque du Japon, ce trade a jusqu’à présent été gagnant-gagnant. En revanche, si le dollar renversait sa course, nous verrions se développer une ruée des vendeurs de dollars vers une porte de sortie de plus en plus étroite, pour chercher à vendre des actions et obligations surévaluées afin de racheter des yens.

La volatilité des devises est l’un des effets destructeurs qui résultent de cette manipulation sans précédent des taux d’intérêts par les banquiers centraux du monde. La fin du carry trade du yen est un facteur qui pourrait enterrer la notion selon laquelle les prix des actions ne peuvent chuter tant que la Fed adopte des taux à zéro pourcent.

Bien entendu, la vente des actions ne représenterait qu’un léger tremblement avant un séisme bien plus important – qui se prouverait dévastateur pour les actions comme les obligations. Ce séisme dont je parle est l’effondrement synchronisé des prix des dettes souveraines du monde.

Le marché libre fonctionne à la manière de la tectonique des plaques. Le déplacement des continents cause des frictions dans la lithosphère de la Terre. Le glissement des plaques engendre des séismes, qui sont une manière pour la nature de se débarrasser de pressions accumulées. De petits tremblements tendent à empêcher de plus importants de se produire en se débarrassant d’un peu de cette pression. De la même manière, les dépressions et les récessions soulagent les déséquilibres des bulles sur les actifs et sur les actions qui se développent dans l’économie. Tenter de prévenir de petits tremblements et des récessions mineures ne peut que nous mener à la catastrophe.

Les banques centrales ont empêché la récession de guérir nos maux en 2008 en prenant le contrôle du marché des dettes souveraines. Aujourd’hui, en Europe, au Japon et aux Etats-Unis, les taux de rendements sont au plus bas. Des rendements très bas devraient être la conséquence d’une baisse des ratios dette/PIB et de la réduction des bilans des banques centrales en vue de limiter l’inflation.

Mais c’est aujourd’hui tout le contraire. La dette nationale américaine a augmenté de 8,6 trillions de dollars depuis 2008, et le ratio dette/PIB a augmenté de 64% pour passer à 105% sur la période. En plus de cela, les bilans de la Fed ont augmenté de 800 milliards de dollars pour passer à 4,4 trillions de dollars depuis 2008. La qualité du crédit a donc été détériorée dans le même temps que les dangers de l’inflation ont augmenté en raison de la croissance de la masse monétaire. A moins que l’économie ne flirte avec une dépression déflationniste, les taux d’intérêts devraient être bien supérieurs à ce qu’ils sont aujourd’hui.

Les banquiers centraux devraient un jour parvenir à atteindre leur objectif d’inflation de plus de 2%. Mais ceux qui impriment la monnaie ne peuvent pas déterminer un objectif d’inflation et l’atteindre avec exactitude. Il y a des chances que l’inflation soit supérieure à leurs objectifs. Le choix difficile qui se présenterait alors serait de laisser l’inflation devenir hors-de-contrôle ou de forcer la vente d’obligations. Cela signifie que les banques centrales devraient passer du rôle d’acheteurs de dettes souveraines à celui de vendeurs d’obligations. Dans un tel scénario, les taux d’intérêts seraient non seulement positifs, ils éclipseraient leur niveau actuel d’un degré important.

Pour ce qui est du Japon, les obligations sur dix ans ont enregistré un rendement moyen de 3% entre 1984 et 2014. Une hausse des rendements de .50 à plus de 3% pourrait générer une explosion des dépenses sur la dette souveraine qui dévasterait l’économie toute entière. Le même scénario est applicable aux Etats-Unis et à l’Europe.

Si les banques centrales ne parvenaient pas à générer croissance et inflation, alors le malaise économique qui end écoulerait pousserait de nombreux détenteurs d’obligations à perdre confiance en la capacité du gouvernement à s’assurer à ce que les remboursements de dette ne dépassent pas les recettes fiscales de leur pays. C’est exactement ce qu’il s’est passé en Europe en 2010-12. Une fois qu’un marché est convaincu qu’une nation ne peut pas rembourser sa dette en termes réels, la valeur de cette dette diminue.

C’est ultimement cette crise qui nous attend de l’autre côté de la distorsion sans précédent des rendements de obligations. C’est pourquoi le ralliement sur le marché des actions se terminera suite à un séisme qui fera ressembler les évènements de 2008 à une simple secousse.

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