25 juillet 2014

Psychomagie...

Ayant vécu pendant de nombreuses d’années dans la capitale du Mexique, j’ai eu l’occasion d’étudier les méthodes de ceux que l’on nomme « sorciers » ou « guérisseurs ». Ils sont légion. Chaque quartier a le sien. En plein cœur de la ville se dresse le grand marché de Sonora, où l’on vend exclusivement des produits magiques : des bougies colorées, des poissons disséqués en forme de diable, des images pieuses, des plantes médicinales, des savons bénis, des tarots, des amulettes, des sculptures en plâtre de la Vierge de Guadalupe convertie en squelette, etc... Dans quelques arrière-boutiques plongées dans la pénombre, des femmes, un triangle peint sur le front, frottent ceux qui viennent les consulter avec des brassées d’herbes et de l’eau bénite, et effectuent sur eux « un nettoyage » du corps et de l’aura… Les médecins professionnels, enfants fidèles de l’Université, méprisent ces pratiques. Selon eux, la médecine est une science. Ils voudraient arriver à trouver le remède idéal, précis, pour chaque maladie, en essayant de ne pas les distinguer les unes des autres. Ils désirent que la médecine soit une, officielle, sans improvisation et l’appliquent aux patients en les considérant uniquement comme des corps. Aucun ne se propose de soigner l’âme. Au contraire, pour les guérisseurs, la médecine est un art.
Il est plus facile pour l’inconscient de comprendre le langage onirique que le langage rationnel. D’un certain point de vue, les maladies sont des rêves, des messages qui révèlent des problèmes non résolus. Avec une grande créativité, les guérisseurs développent des techniques personnelles, des cérémonies, des enchantements, des médecines étranges telles que des lavements de café au lait, des tisanes de vis oxydées, des compresses de purée de pommes de terre, des pilules d’excrément animal ou d’oeufs de mite. Certains ont plus d’imagination ou de talent que d’autres, mais tous, si on les consulte avec foi, sont utiles. Ils parlent à l’être primitif, superstitieux qui réside en chacun de nous.

En voyant opérer ces thérapeutes populaires, qui font souvent passer pour des miracles des trucs dignes des grands prestidigitateurs, j’ai conçu la notion de « tricherie sacrée ». Pour que l’extraordinaire arrive, il est nécessaire que le malade, en admettant l’existence du miracle, croie fermement que l’on peut le guérir. Pour obtenir le succès, le sorcier, lors des premières rencontres, se trouve obligé d’employer des trucs pour convaincre le consultant que la réalité matérielle obéit à l’esprit. Dès que la tricherie sacrée trompe le consultant, celui-ci expérimente une transformation intérieure qui lui permet de capter le monde par l’intuition plus que par la raison. Alors seulement, le vrai miracle peut arriver.
Mais à cette époque, je me suis demandé si on pouvait éliminer la tricherie sacrée : peut-on avec cette thérapie artistique guérir des personnes sans foi ? D’autre part, bien que l’esprit rationnel guide l’individu, pouvons-nous dire que quelqu’un manque de foi ? À chaque instant l’inconscient dépasse les limites de notre raison, on peut le voir dans les rêves ou dans les actes manqués. Si c’est ainsi :
n’y a-t-il pas une façon de mettre l’inconscient en marche, comme un allié, de manière volontaire ? Un incident qui est arrivé lors d’un de mes cours de psychogénéalogie m’a indiqué le chemin : au moment où je décrivais les causes de la névrose d’échec, un élève, chirurgien médical, est tombé par terre, pris de spasmes de douleur. C’était une attaque d’épilepsie. Au milieu de la panique générale, sans que personne ne sût comment l’aider, je me suis approché de lui et sans savoir pourquoi, je lui ai enlevé, assez difficilement, son alliance de l’annulaire de la main gauche. Il s’est immédiatement calmé. Je me suis rendu compte que pour l’inconscient les objets qui nous accompagnent et nous entourent font une partie de son langage. Et donc, qu’en mettant un anneau à une personne on pouvait l’enchaîner, en lui prenant cet anneau on pouvait l’alléger… Une autre expérience m’a semblé très révélatrice : à l’âge de six mois, mon fils Adán souffrait une forte bronchite. Un ami médecin, phytothérapeute, lui avait prescrit quelques gouttes d’huile essentielle de plantes. Mon ex-femme Valérie, la mère d’Adán, devait lui verser trente gouttes trois fois par jour dans la bouche. Bientôt elle s’est plaint que l’état de l’enfant ne s’améliorait pas. Je lui ai dit : « Ce qui se passe, c’est que tu ne crois pas au remède. Dans quelle religion as-tu été élevée ? » « Comme toutes les Mexicaines, dans la religion catholique ! » «Alors, nous allons ajouter de la foi à ces gouttes. Chaque fois que tu les lui donnes, dis un Notre Père.» Valérie l’a fait. Adán s’est rapidement mieux porté.
J’ai alors commencé, très prudemment, dans mes lectures de Tarot, quand le consultant se demandait comment résoudre un problème, à prescrire des actes que j’ai appelé « psychomagiques ». Et pourquoi pas « magiques » ?

Pour que sa thérapie primitive fonctionne, le guérisseur, s’appuyant sur l’esprit superstitieux du patient, doit maintenir un mystère, se présenter comme détenteur de pouvoirs extra-humains, obtenus par une initiation secrète, en comptant sur des alliés divins et infernaux pour permettre la guérison. Les remèdes qu’il donne doivent être ingérés sans connaître leur composition et les actes recommandés doivent être réalisés sans essayer d’en connaître les raisons. Dans la Psychomagie, plutôt que d’une croyance superstitieuse, on a besoin de la compréhension du consultant. Il doit savoir le pourquoi de chacune de ses actions. Le psychomagicien, de guérisseur devient conseiller : grâce à ses recettes le patient devient son propre thérapeute.
Cette thérapie ne m’est pas venue comme une illumination subite mais s’est perfectionnée, pas à pas, pendant de nombreuses années… Au commencement elle semblait si extravagante, si peu « scientifique », que j’ai seulement pu l’expérimenter avec des amis et des parents… De temps en temps, dans mes conférences à Paris, je faisais référence à elle… Un jour, j’ai été invité au centre d’études fondé par le maître spirituel Arnaud Desjardins. Il avait été mis au courant de mes recherches, et m’a demandé si la psychomagie pouvait résoudre un problème dont sa belle-mère souffrait : un eczéma sur la paume des mains… J’ai pensé que la dame, après m’avoir montré ses mains blessées, faisait un geste de demande, puisqu’elle se sentait exclue du couple que sa fille formait. J’ai demandé au Maître que lui et son épouse, devant la malade, crachent abondamment sur un tas d’argile verte et de répandre immédiatement la pâte sur l’eczéma. Le mal a rapidement disparu.

Suite...

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