07 avril 2014

Kiev, quand l'Europe et les USA financent le nazisme...


Il est minuit et la colonne d’encapuchonnés sort de l’une des annexes de la place de l’Indépendance, à présent connue sous le nom d’ « Euromaidán ». Ils sont une soixantaine, avec des vêtements militaires, des gilets pare-balles, des barres d’aciers et jusqu’à des cartouchières qui pourraient abriter des pistolets.


C’est ici que le 21 novembre dernier ont commencé les protestations en faveur de l’association de l’Ukraine avec l’Union Européenne, lesquelles se sont terminées par un coup d’état contre Viktor Yanoukovitch, un président élu mais corrompu. Selon Olekasander, un citoyen qui applaudit au passage de ceux qu’il appelle les « brigades de combattants », L’activité de ces hommes bardés d’armes « commence à minuit et s’achève à 6 heures du matin, la journée est divisées en tournantes entre cette « Brigade » et d’autres colonnes de différents groupes de l’extrême-droite qui dominent la zone 24 heure sur 24. Ils occupent tout le centre historique de Kiev pour éviter la présence d’étrangers, de communistes, d’homosexuels et de russes”, affirme cet habitant qui se dit “simple défenseur de l’Ukraine Unie et disciplinée à laquelle manquait l’Ordre et l’Honneur ». Depuis quelques jours, sur Internet on peut visionner les vidéos de violentes opérations de nettoyage », menées à bien par ses groupes contre de simples passants, des administrations publiques et on peut même y voir un blindé de l’armée qui passe au centre de la ville arborant la bannière de Svoboda, le parti nazi qui est à présent au gouvernement avec un vice premier ministre, trois ministres, un procureur général de l’état et 5 gouverneurs de provinces parmi des dizaines d’autres charges publiques d’importance impliquant des responsabilité au sein de l’Etat.

“Mais ils ne sont pas les seuls à se battre. Nous sommes aussi patriotes qu’eux, si pas plus. De fait de nombreux militants de Svoboda font à présent partie de notre mouvement ». Mykola, lui se charge d’éviter « la présence d’espions étrangers » sur la place de l’Indépendance, il porte un costume militaire et dit qu’il dissimule un Makarov 9mm et porte un émetteur radio collé à la poitrine. Il est membre du nouveau parti Pravy Sektor (Secteur Droit) et interpelle « tous ceux qui pourraient être une menace pour la révolution que nous avons commencé ». Serein malgré une haleine qui distille la vodka, il énumère les alliés qui jusqu’à ce moment leur ont apporté de l’aide.

“L’Union Européenne nous a été favorable et il serait bien d’y adhérer par la suite, c’est pour cela que certains ajoutent de petites étoiles autour de notre écu national. Certainement, nous sommes bien la troisième voie, oui, au sein de l’OTAN. Si les américains nous soutiennent nous pourrons affronter même la Russie ». Le parti national-socialiste Svoboda, quoiqu’il vive en ce moment un sommet de son histoire est actif depuis le début des 90 (sous le sigle de parti « national social ») et est intégré depuis un moment aux institutions, mais d’autres, comme Pravy Sektor, se sont fondés dans l’embrasement des premières protestations européistes de novembre dernier, et on estime qu’il compte à présent plus de 5000 membres entraînés qui sont bien imprégnés de sa caractéristique indubitablement guerrière.

En plus, depuis la fin de l’année passée tous les deux bénéficient d’une structure, d’un financement et d’une croissance difficiles à expliquer, et qui ont été attribués par l’ex chef du renseignement, Alexánder Yakimenko, « a l’évidente arrivée de dons étrangers par l’intermédiaires de quelques ambassades qui ont distribué de grandes quantités de devises. Cela a pu se vérifier par les visites qu’ils ont faites à des embrassades comme celles de Pologne et des États-Unis ou grâce aux changes de dollars qui ont eu lieu autour de Maidán ».

Des milliers de gilets pare-balles à 12OO dollars l’unité, des équipements radio pour communiquer, des cantines de quoi alimenter toutes leurs “brigades” ou des fusils à visée télescopiques qui furent utilisés lors de “Euromaidán”, tout cela suppose des dépenses considérables qui contredisent la thèse de groupes surgit de la marginalité et du chômage. Précisément dans une de ces cantines, la « patriote Sofiya » comme l’appelle ses compagnons, sert la soupe, le café, les sandwiches aux militants de garde. Si on lui demande qui finance ces cantines qui fonctionnent 24 heures sur 24 pour approvisionner quelques milliers de néonazis, elle répond évasivement « beaucoup de gens nous aiment bien, dans le pays et à l’extérieur ».

La place d’« Euromaidán » est un chapelet de tentes couleurs kaki, de remorques chaufferies de l’armée qui servent pour réchauffer les séjours des paramilitaires, il y a des barricades aussi hautes que des maisons, des foyers sur lesquels se fait la cuisine 24 heures par jour et des édifices occupés devant lesquels sont plantées des sentinelles, des jeunes et des adultes, avec des casques militaires, des passe-montagnes. A la porte de ce qui, auparavant, était un édifice de l’administration publique, les hommes de Pravy Sektor qui l’occupent sont bourrés, ils abandonnent leurs matraques et leurs boucliers sur des sacs de terres posés en guise de tranchée qui protègent l’entrée.

Surexcités, chacun veut raconter sa propre version de ce qui s’est passé pendant ce qu’ils appellent “la révolution”, et aussi presque tous sont favorables à l’idée de continuer à faire alliance avec les États-Unis ou l’Allemagne (pays qui ont eu et continuent à entretenir des connexions directes avec ces groupes ultras), alors que d’autres préfèrent maintenir des relations internationales d’un profil plus bas, ce qu’ils qualifient de « solidarité des nations européennes » en faisant allusion aux alliances qu’ils ont construit après avoir reçu lde nombreuses visites de groupes néonazis émergeants comme les Nordisk Ungdom de Suède, le NPD d’Allemagne ou Jobbik de Hongrie parmi quelques douzaines d’organisations d’extrême-droite qui ont fait de Kiev leur nouvelle Mecque.

A quelques mètres de là, derrière un check point paramilitaire qui n’a aucune autorité légale mais contrôle un des accès à la place, Vasyl vend ses souvenirs de « la révolution ukrainienne », tels que des souvenirs de Svoboda, des drapeaux ukrainiens mélangés à celui de l’Union Européenne et autocollants de Pravy Sektor. Las acheteurs de cette symbolique ultra-nationaliste sont autant des skinheads venus du monde entier que des porteurs d’uniformes locaux, mais aussi des familles avec des enfants, des visiteurs de provinces et quelques jeunes qui disent se sentir en affinité avec Pravy Sektor ou Svoboda, « parce que se sont des patriotes et d’une certaine manière nous les comprenons » affirme Nataliya, étudiante en beaux arts et fervente défenseuse « des valeurs de l’Union Européenne. »

Un des produits qui se vend le mieux, à ces postes, c’est l’effigie qui dans la nouvelle Kiev a remplacé le faible culte qui se rendait encore à la figure de Lénine. Il s’agit de Stepan Bandera, héros national pour une grande partie du nouveau gouvernement et fondateur de l’ « Armée d’Insurrection Ukrainienne », le groupe armé qui pendant la seconde guerre mondiale a collaboré avec les nazis allemands à l’extermination des polonais, des communistes et par-dessus tout des juifs, le collectifs minoritaire le plus controversé sous le nouveau gouvernement.

Des jours après que l’un des leader de Pravy Sektor, Aleksandr Musychko – mort cette semaine dans un échange de tir – prononce un discours incendiaire – Kalachnikov brandie – au sujet des juifs, Reuven Din El, l’ambassadeur d’Israël en Ukraine tint une réunion avec Dmytro Yaros (une autre figure visible de Pravy Sektor) concluant un accord non révélé coupant court à toute confrontation possible entre la communauté juive et l’extrême-droite du pays. En ce sens, l’« Agence de Presse Juive » est allée plus loin en publiant des informations (que des quotidiens israéliens comme Haaretz ont également diffusées) selon lesquelles plusieurs membres, liés à l’armée israélienne servirent sous les ordres de Svoboda pendant les combats qui se sont déroulés à Euromaidán », où apparaissait une petite unité israélienne surnommée « les casques bleus » qui étaient d’origine ukrainienne ( comme beaucoup d’israéliens) ce qui facilita leur parfait mimétisme dans la société locale.

Leur leader, un ex militaire qui parle hébreu ne désirait pas dévoiler s’il était venu à Kiev comme contractant du gouvernement sioniste ou comme volontaire, il déclarait “je n’appartiens pas à Svoboda bien que j’ai servi sous leurs ordres. Pour moi, ils sont comme des frères, et il ne faut pas oublier que dans les protestations, il y avait beaucoup de juifs », une incongruité confirmée depuis décembre par le journal conservateur « Jerusalem Post qui a publié un reportage dans lequel il affirme que « des jeunes juifs d’organisations internationales ont apporté un appui logistique et collaboré à l’organisation des barricades »

Il est plausible que la rencontre entre l’ambassadeur israélien à Kiev avec Dimitro Yarosh, (qui c’est produite un peu avent celle de Netanyahu avec Obama à la Maison Blanche) ait répondu non seulement à la nécessité de contenir quelque attaque déchaînées contre des membres de la communauté juive, mais qu’elle ait également traité du thème de la « sécurité » comme stratégie locale de participation internationale, puisqu’aujourd’hui Dymitro Yarosh occupe non seulement de hautes charges dans Pravy Sektor, mais est secrétaire pour la sécurité nationale, et finalement, occupe des responsabilités d’un grand intérêt pour les États-Unis et l’Europe Occidentale.

C’est déjà le matin, à plusieurs blocs de Euromaidán, la où les inscriptions SS (en allusion très claire à la Waffen-SS d’Hitler) sont moins fréquentes, quelques rues obscures sont contrôlées par des « petites unités patriotiques » de quatre ou cinq hommes en état d’ivresse, comme ceux que dirigeait ce samedi matin le jeune Bodan. « Parfois nous avons des discussions avec la police, mais dans son ensemble elle nous fait confiance. Là où nous sommes, il n’y a pas de vol, pas de crime mais bien de l’ordre et du respect de la véritable Loi ». A la question de savoir ce qu’est la véritable Loi, il me répond « Nous sommes la LOI ».

A la Justice de l’État nous avons Svoboda, le direction de la Sécurité Nationale est assurée par Pravy Sektor et à Ihor tenyukh, le Ministre de la Défense appartient également à Svoboda. Que voulez-vous de plus ? La bande paramilitaire continue son erratique transit en quête de quelqu’un « à se faire ». Dans cette zone, la police ne circule pas, il y a seulement une voiture de patrouille vide qu’ils traitent comme si c’était la leur. Dans la presse étrangère, il n’y a pas un dixième de ce qui se passe ici qui est rapporté. Rien de la manière dont depuis cette place et ses rues « la révolution » est « légitimée » contre le gouvernement antérieur. Ainsi le fascisme campe, à son aise, à Kiev, sans police pour les contenir, ni presse qui les dénonce.

Unai Aranzadi
Traduction Anne Wolff
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