01 mars 2013

De la fin du monde

Henri Stéphane (1907-1985), ancien mathématicien entré dans l’église catholique, fut un théologien et un métaphysicien ignoré, révélé après sa mort par certains de ses proches. Profond lecteur de Guénon, de Frithjof Schuon, de Coomaraswamy, il explora également la littérature orthodoxe, étudia l’Hindouisme et l’Islam.

Voici par un raisonnement imperturbable et rigoureux, tiré d' " Introduction à l'ésotérisme chrétien" annoncée l’inévitable « fin de notre monde » :

Grosso modo, on peut dire que la nouvelle religion, c’est la « religion de l’Homme ». Dieu étant « mort », on peut dire que c’est une religion « athée ». Elle n’a plus pour but de relier l’homme à Dieu, mais les hommes entre eux. C’est également une « forme » de socialisme, ou de communisme.

Paradoxalement, elle revêt des formes diverses, mais ce n’est là qu’une apparence extérieure : l’athéisme et l’humanisme restent le dénominateur commun de ces différentes formes. Il y a, par exemple, la « foi sans religion », la foi à l’état pur, sans contenu, sans dogmes, sans rites ; c’est une sorte de protestantisme extrême que Luther ou Calvin vomiraient. A l’inverse, il y a la « religion sans foi ». C’était, il y a cent ans, le « formalisme »extérieur de gens qui pratiquaient sans croire sérieusement, ou pour des motifs mercantiles. Aujourd’hui cette « forme » a pris un autre aspect : c’est le « communautarisme ». On répète à satiété aux chrétiens qu’ils forment une « communauté » : le baptême les introduit dans la communauté, comme on s’inscrit au parti communiste ; l’Eucharistie n’est plus qu’un repas communautaire ; le péché lui-même est conçu comme rupture ou éloignement de la communauté, et la pénitence, comme au temps de l’Eglise primitive, est conçue comme réintégration dans la communauté, avec cette différence que les Juifs et les païens convertis au Christianisme croyaient en Dieu. De nos jours, les vertus théologales n’ont plus qu’un sens humain : on croit à l’Homme, on espère en l’avenir de l’Humanité, grâce à la Science et au Progrès, et l’on aime son prochain en tant que tel.

Dans une telle perspective, le Christ n’est plus que le Chef de la communauté, et c’est pour cela que « Dieu est mort en Jésus-Christ ». D’autres vont plus loin, et ne voient en Jésus-Christ qu’n « agitateur social ». La thèse est trop connue pour que nous jugions utile d’insister. Dans tout cela, il n’est plus question de la « vie éternelle », et le Royaume de Dieu n’est plus que la « cité terrestre » à construire.

Il n’y a donc que l’homme qui compte, son travail et son action sur le monde. Certains voient encore en lui un continuateur de la Création, que Dieu n’aurait pas achevée, mais une telle conception de la Création est tellement différente de la conception traditionnelle qu’elle équivaut à nier Dieu : si Dieu a créé le monde « dans le temps », et ne continue pas à le « créer à chaque instant », selon le concept exact de création, alors Dieu n’est pas « Créateur », et nier l’un de ses attributs équivaut à le nier tout entier. D’une façon générale, une cosmologie non traditionnelle, évolutionniste par exemple, conduit fatalement à une idée fausse de Dieu, et par conséquent à sa négation.

Ainsi, sous quelque forme qu’on l’envisage, la « nouvelle religion » est essentiellement athée. Tout ce qui est sacré – considéré d’ailleurs par les partisans de la « foi sans religion » comme une survivance du Judaïsme et du paganisme – ne peut alors que disparaître rapidement. On ne voit pas pourquoi dans ces conditions on parle encore du Sacerdoce, de la « crise des vocations », du statut clérical, etc. Tout cela est appelé à disparaître.

Il restera donc une pseudo-religion, la « religion de l’Homme », dont l’existence sera aussi éphémère que le « règne de l’Antéchrist » à la « fin des temps ». Et son déclin est déjà annoncé par les structuralistes qui prédisent la « mort de l’homme ». Après cela, il ne restera évidemment plus que la « mort du Cosmos », c'est-à-dire précisément « la fin du monde » à laquelle nous venons de faire allusion.

Il est bien évident que si « Dieu est mort », au moins dans la conscience de l’homme, ni l’Eglise, ni la religion, ni l’homme, ni le monde, ne peuvent lui « survivre » longtemps. Si l’on objecte que Dieu n’est pas « mort » en lui-même, mais seulement dans la conscience de l’homme, et que le rapport ontologique entre Dieu et l’âme immortelle ne saurait être affecté par une « attitude de connaissance », nous répondrons qu’en vertu de l’identité de l’Etre et du Connaître, toute détérioration dans l’ordre de la Connaissance a son retentissement, sinon dans l’ordre de l’Etre en tant que tel, du moins dans l’ordre de l’Existence, dont l’Etre est le principe.

L’homme en tant qu’être peut certes disparaître ou être anéanti (ce qu’on exprime couramment en parlant de l’immortalité de l’âme), mais c’est en tant qu’existant à différents niveaux, ou degrés de réalité, qu’il peut « mourir ». En d’autres termes, c’est par l’une ou l’autre de ses modalités que l’homme peut mourir : la mort au sens ordinaire n’est que la disparition de la modalité corporelle de l’homme, de même que la « seconde mort » dont parle l’Apocalypse (XX,14) n’est que la disparition de sa modalité psychique, mais l’être de l’homme ne saurait mourir. On comprend ainsi que la mort corporelle ait pu être la conséquence du « péché originel ». Or tout ce que nous venons de dire de l’homme individuel s’applique à l’humanité tout entière : à la « fin des temps » c’est une modalité de l’humanité ou la « présente humanité » qui disparaît, et l’on conçoit que celle-ci, arrivée à un degré d’athéisme total, - nous n’en sommes pas encore là – soit condamnée à mort. Autrement dit, l’humanité totale, au niveau de l’Etre, ne peut disparaître, mais une humanité partielle peut mourir, et une autre humanité peut naître dans des conditions cosmiques toutes différentes évoquées par « le ciel nouveau et la terre nouvelle » dont parle l’Apocalypse ; entre les deux cependant, il n’y a pas de continuité à proprement parler, c’est-à-dire selon le mode dont nous la concevons ordinairement : il ne peut y avoir qu’une continuité « analogique ».

Abbé Henri Stéphane, introduction à l’ésotérisme chrétien, Dervy 1984

Vu ici

8 commentaires:

  1. Les Religions ont dogmatisé et probablement falsifié, ou "interprété" les enseignements originels.
    L'évolution est, pour le Christianisme "romain", une partie du protestantisme, beaucoup moins pour l'Orthodoxie cependant, et pour une partie du judaïsme "Talmudique" vers une dénaturation du Divin, reflète la machination où en effet, l'homme a tué Dieu.
    Pour l'Islam je en me prononce pas, mais je constate que certains courants comme Salafisme et Takfirisme sont manifestement pervers.

    La future "religion mondiale" serait probablement Luciférienne, consacrant la domination des élites éclairées, style scientologues, Francs-maçons etc, lesquels croient en "leur Dieu", mais c'est le Dieu de cette planète, le Diable.

    Ce dernier règne sur le monde matériel, et l'adorer donne la puissance et la gloire (de Mammon) en ce monde.
    A voir les "ors et trésors, fastes et pourpres" de l'église de Rome, en tout cas, on se demande à juste titre si leur véritable Dieu n'est pas Lucifer, dans le "clergé élevé" (celui qui magouille avec la banque du Vatican, la loge P2 et est impliqué dans les scandales sexuels).

    Le texte le rappelle pourtant : "Dieu n'est pas mort" (comment le pourrait-il ?), il n'est que mort dans la conscience humaine, c'est à dire dans notre "Mental" (programmé, désinformé...).

    Le rapport (véritable, non falsifié) entre Dieu créateur et l'âme humaine, sa partie immortelle, étincelle divine, est inaliénable et intrinsèque, dans d'autres dimensions (dans d'autres royaumes, qui ne sont pas de "Ce" monde, comme disait Jésus).

    Bref, si le Diable (ou ses entités collectives) dominent cette "sphère" dimensionnelle, dans d'autres dimensions ce n'est pas le cas et la relation entre la conscience immortelle et le créateur est plus proche de l'osmose, de l'unité, une fois franchi le voile de l'illusion du mental et de la matière qui nous "sépare".

    Philosophie direz vous ?
    Pourtant les témoignages nombreux des "expérienceurs de la mort imminente" sont souvent concordants, témoignant de cette rencontre avec une puissance infinie d'amour, de sagesse et de Lumière - Dieu. Certains films le décrivent aussi, montrant les divers "royaumes" de l'au delà, comme "What Dreams may come" ou "Nosso Lar" (Notre demeure).

    "Le 21° siècle sera spirituel, ou bien ne sera pas" ? nous avait dit le grand André Malraux.
    Si par malheur, le 21° siècle n'est pas (enfin) spirituel, c'est que l'agenda du NWO Luciférien sera réalisé.

    L'ami Pierrot

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  2. http://www.youtube.com/watch?v=Hqj_XfnARH0

    Amitiés,
    Ploz.

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  3. http://www.lepoint.fr/invites-du-point/monseigneur-di-falco/monseigneur-di-falco-changer-le-genre-de-dieu-10-02-2013-1625872_803.php

    Amitiés,
    Ploz.

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  4. La conclusion de cet extrait :
    ""Autrement dit, l’humanité totale, au niveau de l’Etre, ne peut disparaître, mais une humanité partielle peut mourir, et une autre humanité peut naître dans des conditions cosmiques toutes différentes évoquées par « le ciel nouveau et la terre nouvelle » dont parle l’Apocalypse ; entre les deux cependant, il n’y a pas de continuité à proprement parler, c’est-à-dire selon le mode dont nous la concevons ordinairement : il ne peut y avoir qu’une continuité « analogique ».""

    En dépit de tous les efforts pour faire diversion, jeux stupides, télé, ainsi que la mise à sac des peuples de la terre, rien ne pourra faire disparaître l'esprit qui nous habite. Il est inhérent à toute vie.

    Les religions contiennent toutes le ferment de cette réalité mais elles l'ont trop souvent occulté pour asseoir leur pouvoir.
    Nous en sommes en train de payer le prix de notre inconscience ? veulerie ?

    Edouard

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    1. Bonsoir. J'ai repris contact avec H.Stéphane avant-hier en vitesse. Il y a qq part un texte qui reprend sous une autre formulation la proposition de Guénon : épuiser toutes les possibilités,des plus hautes (âge d'or) aux plus basses (on y est). Je n'ai pas mis la main dessus, mais si je le retrouve je le publierai. En bref, c'est un classique : Dieu contient tout, le meilleur (vu de l'extérieur) et le pire (idem).
      Quand il se sépare (tsimtsoum) pour se connaître, il demeure en Tout et toutes choses, mais l'éloignement entre Lui et ses parties finit par amener l'oubli de Lui par ses parties. Nous (notre modalité actuelle, très extérieure) est comme le cercle de la roue qui roule sur les cailloux de la route, et, prise dans ce film, oublie qu'elle n'est que l'extérieur ; cependant le moyeu est en paix (Tao té king).
      L'humanité actuelle a oublié son rôle et cherche à contrôler la route. On nous promet une route de velours. Des jantes chromées.
      Nous ne payons rien. On ne peut même pas dire que NOUS ayons oublié Dieu, le centre. C'est LUI qui s'est oublié à travers nous, puisqu'il est là, ici, en nous. Il dort et s'est oublié Lui-même.
      Si mon raisonnement est juste, nous n'avons pas à ressentir de culpabilité. Rien à payer. Juste bouger, se bouger le Q pour rétablir le contact.

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    2. Oui, Vieux Jade !
      Et c'est pourquoi ce que "nous" vivons est un rêve, certes cauchemardesque, mais un rêve tout de même.

      Mais le "Dieu" en nous est en train de se réveiller...malgré les apparences.

      Il n'y a même pas à bouger, juste à rester tranquilles, être le plus calme possible, lucides.

      "Il" se réveille...

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  5. Un cycle d'expérimentations diverses.

    Le paiement dont il question n'est pas lié à la culpabilité. C'est un simple constat.
    L'humanité s'est alourdie, l'oublie de sa source, l'a conduite à plus lourd encore, vers les prothèses que sont les objets technologiques ou ornementaux, tant vantés par la publicité.
    Tout un monde en vitrine qui fait appel à ce trou au creux du ventre, le désir de posséder encore davantage. Jamais cette béance ne sera comblée de l'extérieur. Cette situation contribue à entretenir l'intranquillité de l'égo.

    Le Dieu en nous se réveille Joss. Cet abandon à Celui qui est, dans la confiance et le calme, nécessite aussi un appel à la volonté, pas la crispation, mais bien la volonté au service de la foi qui soulève les montagnes, en quelque sorte aménager notre disponibilité, défricher.
    Bouger donc, comme vous l'écrivez VJ.
    Sacré paradoxe que celui de la volonté et de l'abandon !

    Si Dieu était un téléphone extraordinaire et qu'il se mette à sonner, à parler immédiatement, sans qu'on ait besoin de décrocher pour le premier appel, il faudrait bien le rappeler et entretenir le lien.

    Edouard

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