17 août 2012

Moi, ingénieur industriel

Moi, ingénieur application dans l’automatisation de procédés industriels, j’ai constaté, ces 25 dernières années, de profonds changements dans les méthodes de travail de ce qui est le cœur de la production industrielle.

Pour clarifier les choses les procédés industriels dans lesquels j’ai travaillé sont ceux qui produisent vos médicaments, votre essence, vos céréales, vos parfums…

Lorsque j’ai commencé, jeune technicien, les sites industriels disposaient d’équipes techniques (bureaux d’études) internes connaissant les procédés de fabrication et capable de définir un cahier des charges pour l’automatisation d’une nouvelle ligne de production et de participer, en interne, à la réfection d’un atelier.

Et puis, insidieusement, presque sournoisement je dirais, ces équipes se sont morcelées. Les anciens, partant en retraite, n’étaient pas remplacés, la promotion interne (technicien de maintenance passant au bureau d’étude) ne fonctionnait plus. Pour finalement arriver à la suppression l’externalisation de ce service vers … les sociétés d’automatisation.
De la même manière mais avec un certain décalage les sociétés d’automatisation disposant de ressources techniques, avec une grande connaissance du matériel utilisé, se sont retrouvées morcelées à leur tour. Les services techniques étant externalisés vers de la sous-traitance et la société ne gardant que son « cœur de métier » : les chefs de projets. Simplement ces chefs de projet perdant petit à petit leurs connaissances techniques se retrouvent à superviser un travail qu’ils ne maîtrisent malheureusement plus … 
 
Cet état des lieux n’est en aucune manière l’expression d’une amertume, au contraire personnellement je ne peux que me réjouir d’une telle situation, travaillant en tant que sous-traitant de mon ancien employeur, je gagne beaucoup mieux ma vie maintenant sans la lourdeur hiérarchique imposée par les structures pyramidales en place dans toute grande société.
Au passage j’en profite pour inviter tous les lecteurs à lire ou relire le pamphlet de Laurence J. Peter paru en 1969 sur les organisations hiérarchique (http://fr.wikipedia.org/wiki/Principe_de_Peter) et selon qui « tout employé tend à s’élever à son niveau d’incompétence » associé au corollaire de Peter : «  Avec le temps, tout poste sera occupé par un incompétent incapable d’en assumer la responsabilité. » Pamphlet humoristique à la base mais qui résume admirablement bien notre société hiérarchique.

Pour revenir au thème de cet article, tous les changements mentionnés précédemment furent imposés aux différents intervenants par des « gestionnaires » en charge des finances des sociétés. Si le principe en est louable (une entreprise est par essence capitalistique et son objectif principal est de gagner plus d’argent qu’elle n’en dépense) la méthode employée (équilibrer les colonnes débit et crédit d’un tableur) l’est beaucoup moins.

En effet comment comptabiliser l’expérience ? (celui qui a la formule peut la communiquer ou la breveter : il fera fortune) comment prévoir les arrêts de production ou les retards si au lieu de s’appuyer sur des gens d’expérience pour une réalisation on demande à un chef de projet ne connaissant pas le procédé de faire appel à des sous-traitant ne connaissant pas le produit d’automatisation afin de réaliser un programme assurant sécurité et productivité. Le résultat est malheureusement la : ça ne fonctionne pas. Cette structure a l’étonnante faculté, à l’instar des chats, de souvent retomber sur ses pattes car il se trouvera toujours dans l’équipe des personnes de bonne volonté pour passer quelques week-end ou nuits afin que la production puisse démarrer en sécurité jusqu’à la prochaine fois …
Dans la même veine, cette financiarisation de la production industrielle a tué tout investissement productif : le critère brandi fièrement par les responsables de mon ancienne société était que toute dépense de 1 € doit en rapporter 2 à la fin de l’année !

Pour terminer sur une note polémique, ce comportement irrespectueux des personnes et de leurs expériences ne se retrouve pas partout et c’est tant mieux. Par exemple la Suède et la Suisse ont su trouver un compromis, le résultat est là : croissance pour la Suède, plein emploi avec des salaires à faire pâlir pour la Suisse.
Les Français veulent le beurre et l’argent du beurre. Sans vouloir paraître nationaliste (ce que je ne suis absolument pas), selon mon opinion pour sortir de l’ornière dans laquelle nous avons mis déjà 2 roues, il faut :
  • que nous arrêtions de chercher à toujours payer le moins possible
  • que nous arrêtions de vouloir gagner toujours plus même au-delà du raisonnable
  • que les français  qui épargnent (15% de leurs revenus il me semble ?) arrêtent de jouer les écureuils et profitent de la vie en dépensant une partie de leur épargne des produits et services locaux (si vous lisez régulièrement ce blog et les autres de la même veine, je ne pense pas qu’il soit difficile de vous convaincre qu’il vaut mieux dépenser cet argent maintenant plutôt qu’attendre qu’il disparaisse par l’inflation ou le défaut.
  • que nous acceptions une libéralisation du marché du travail mais avec une contrepartie dissuasive pour les patrons indélicats
  • et pourquoi pas, utopie aidant, que nous imitions l’Islande : en remplaçant tous les politiques par une assemblée constituante afin de renouveler totalement notre système sclérosé …
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